Permettez-moi de m’indigner contre l’acharnement tout à fait affligeant qui est mis à porter atteinte au droit des étrangers gravement malades.
Je m’attarderai peu sur l’amendement de M. Dominati, puisqu’il vient d’être retiré. Je dirai simplement qu’il eût été catastrophique qu’il soit adopté et qu’il constituait un véritable recul par rapport aux travaux qui ont été réalisés dans notre assemblée.
Je rappelle que le concept d’« indisponibilité » des traitements a été clairement rejeté en séance publique au Sénat en première lecture, ainsi que récemment par la commission des lois.
Comme M. Buffet le rappelle dans l’objet de son amendement dit « de compromis », si la commission des lois a supprimé cette disposition, c’est parce qu’elle n’était ni suffisamment claire ni suffisamment protectrice des droits des étrangers malades. Il est donc nécessaire que le Sénat campe sur ses positions progressistes et rejette une fois de plus cette atteinte flagrante aux droits des étrangers gravement malades.
L’amendement n° 219, bien qu’il nous soit présenté comme un dispositif destiné à « clarifier la rédaction » actuelle du 11° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et à « supprimer toute ambiguïté » vient en fait sceller le sort des étrangers gravement malades vivant sur notre territoire.
Cet amendement a d’ailleurs suscité de vives critiques et de nombreuses inquiétudes de la part de plusieurs associations et collectifs de défense des droits des malades – Act up, Aides, le Comité médical pour les exilés, le COMEDE, l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, l’ODSE, entre autres. Toutes désapprouvent la rédaction de cet amendement !
Quant à la notion d’ « absence de traitement », elle est pire que tout ! En effet, un pays peut posséder un traitement contre une maladie grave, tel le sida, sans que ce traitement soit pour autant présent en quantité suffisante. Il peut également n’être disponible qu’à un prix prohibitif ou être réservé à une certaine classe de la population. Le traitement peut donc ne pas être absent, mais rester cependant effectivement inaccessible à une grande majorité de malades.
Quant au 2° de cet amendement, il induit que le préfet sera juge en dernier lieu des critères médicaux à la place de l’autorité médicale aujourd’hui compétente. En effet, le préfet se verra confier in fine le soin de juger s’il s’agit d’une « circonstance humanitaire exceptionnelle », sans intervention d’un médecin, pourtant seul compétent pour apprécier les critères médicaux, et sans recours juridictionnel effectif.
Lorsqu’un étranger gravement malade apprendra que le directeur général de l’agence régionale de santé a transmis un avis négatif au préfet et que c’est ce dernier qui statuera en dernier lieu sur sa situation et jugera si son cas relève ou non d’une circonstance humanitaire exceptionnelle, nul doute qu’il sera tenté de lui révéler sa pathologie. S’il était adopté, cet amendement entraînerait donc une levée quasi systématique du secret médical.
Je ne comprends pas pourquoi ce texte nous est présenté comme un compromis entre la version actuelle du CESEDA et celle qui a été rejetée par le Sénat. D’une part, nous ne sommes pas en commission mixte paritaire, mais en séance publique, où nous examinons le texte en deuxième lecture. D’autre part, il est clair qu’il s’agit de durcir de façon drastique les conditions de séjour en France des étrangers malades et, de fait, de les expulser vers la mort dans leur pays d’origine, où ils ne pourront jamais être soignés.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cet amendement.