Cet amendement, je le redis, marque une véritable régression. Je m’exprimerai d’un point de vue juridique, en répondant à l’intervention de notre collègue Zocchetto, dont je ne partage absolument pas la façon de voir.
Le droit applicable aujourd'hui est celui qui a été posé par les deux arrêts Jabnoun de 2010. Pendant des années, le Conseil d’État avait ignoré l’article du CESEDA en considérant que la notion de disponibilité du traitement était assez formelle. Il suffisait que le traitement existe pour qu’il soit considéré comme disponible. Puis, le Conseil d’État s’est posé tout d’un coup avec force la question que certains veulent éluder : qu’est-ce qu’un traitement disponible ?
Le Conseil d’État a finalement estimé qu’il y avait deux façons de considérer la disponibilité : d’une part, la disponibilité matérielle– le traitement existe ; il peut être dispensé dans un hôpital, un hôpital américain, par exemple –, d’autre part, la disponibilité en tant qu’accessibilité.
Pour la première fois, le Conseil d’État a posé le principe selon lequel, pour que le traitement soit accessible, il fallait que les conditions socio-économiques soient telles que l’étranger puisse y avoir accès.
Ce qui est intéressant, c’est que le commissaire du Gouvernement, qui a été suivi par le Conseil d’État, a précisé – et nous devrions en être honorés et prendre d’autant plus ce jugement en considération – que son analyse s’appuyait sur les travaux du Parlement pour avoir une approche concrète et pragmatique.
Mes chers collègues, aujourd'hui, il nous est proposé de balayer cette vision pragmatique au profit d’un leurre. Tout le monde serait généreux, tout le monde serait honnête. Finalement, peu importe que l’on soit riche ou pauvre, si un traitement est présent sur le marché…
Quels arguments nous oppose-t-on ? S’agit-il d’un problème financier ? Certainement pas ! Malheureusement, nous le savons tous, même en étant les plus généreux qui soient, le dispositif ne concernera qu’un nombre très limité de cas. Il ne s’agit donc pas d’un problème de coût. Où est donc la difficulté ?
Selon moi, il s’agit d’un problème humanitaire. Est-il humain d’accorder, selon que l’étranger est pauvre ou riche, la mort ou la vie ? S’il n’est pas acceptable d’instaurer une discrimination sur des critères financiers, il convient de préciser que toutes les personnes malades ont droit au même traitement et à la même situation administrative !