Monsieur le président, mon présent propos vaudra également présentation de l’amendement n° 44.
L’article 23 du présent projet de loi vise, d’une part, à fusionner les différentes mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière – OQTF et APRF – et, d’autre part, à créer une interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF. Ces dispositions, fruits d’une interprétation abusive de la directive Retour, ne sont pas acceptables.
Le texte proposé par l’article 23 pour le II de l’article L. 511-1 du CESEDA est censé transposer en droit français l’article 7, paragraphe 4, de la directive précitée, qui énumère trois hypothèses dans lesquelles l’État peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire : « s’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ».
Ces dispositions traduisent la volonté du législateur communautaire d’encadrer étroitement les cas dans lesquels un État membre peut supprimer le délai accordé au migrant pour quitter volontairement le territoire.
Or, aux termes des alinéas 11 à 20 de l’article 23, l’administration peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans huit cas différents.
Les cas prévus aux alinéas 12 et 13 correspondent aux deux dernières situations envisagées par l’article 7, paragraphe 4, de la directive : la personne constitue un danger pour l’ordre public ; la demande de séjour est manifestement non fondée ou frauduleuse.
En revanche, les six possibilités énumérées aux alinéas 14 à 20 ne sont manifestement pas conformes à ce que la directive Retour désigne comme « un risque de fuite ».
Les hypothèses envisagées aux alinéas 15 à 17 sont particulièrement discutables. L’absence de demande de titre de séjour est considérée comme la volonté de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français. Or les pratiques préfectorales rendent difficile, voire impossible, le simple dépôt d’une demande de titre de séjour. J’en veux pour preuve le fonctionnement chaotique des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui n’acceptent que dix demandes de titre de séjour chaque jour pour les étrangers sollicitant une régularisation au titre de la vie privée ou familiale. Dans ces conditions, de nombreux étrangers sont contraints de patienter pendant plusieurs jours devant les locaux de la préfecture. Une telle situation n’est pas tolérable !
Par ailleurs, l’hypothèse prévue à l’alinéa 20 ouvre la voie à l’arbitraire de l’administration, car il n’est pas rare qu’un étranger ne soit pas en possession d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité ou qu’il ne puisse pas en obtenir le renouvellement auprès de son consulat, en l’absence notamment de titre de séjour en cours de validité.
L’ensemble de ces hypothèses et le caractère très large des critères retenus laissent un pouvoir discrétionnaire à l’administration pour refuser un délai de départ volontaire. Or la directive Retour dispose que le départ volontaire doit être la règle.
L’article 23 comprend une autre disposition que nous ne pouvons accepter. Les alinéas 22 à 32 autorisent les autorités préfectorales à assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour, accompagnée, en outre, d’une extension de l’interdiction à tout le territoire Schengen grâce au signalement dans le système d’information Schengen, le SIS.
Ces mesures soulèvent de nombreuses difficultés, notamment au regard du droit d’asile.
S’agissant de la durée de l’IRTF, elle varie selon que l’obligation de quitter le territoire est ou non assortie d’un délai de départ volontaire. Il est à craindre que les autorités préfectorales ne notifient largement aux étrangers renvoyés des OQTF sans délai de départ volontaire et, dans cette hypothèse, la durée maximale de l’IRTF sera de trois ans.
Par ailleurs, l’article 23 prévoit la possibilité de solliciter l’abrogation de l’IRTF, mais exige dans le même temps que l’intéressé soit hors de France ou assigné à résidence. Or, selon la Commission nationale consultative des droits de l’homme, « l’impossibilité d’en demander l’abrogation si l’étranger n’apporte pas lui-même la justification de sa résidence hors de France constituerait une méconnaissance du droit à un recours effectif ».
Enfin, cette mesure de bannissement est de nature à porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, notamment pour l’étranger conjoint d’un ressortissant français.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer les dispositions iniques de l’article 23.