Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », comporte les crédits budgétaires de la politique publique de lutte contre le sans-abrisme.
À ce sujet, mes auditions m'ont permis de dresser un constat sans appel : la situation est dramatique et elle s'aggrave. Le 2 octobre 2023, quelque 8 350 personnes ont appelé le 115, lequel n'a pas pu leur trouver de solution d'hébergement pour la nuit. Parmi elles, il y avait plus de 2 800 enfants. Et c'est sans compter ceux qui n'ont pas contacté le numéro d'urgence, pour diverses raisons. Le taux de non-recours pourrait être de 70 % ! On ne voit donc que la partie émergée de l'iceberg.
La hausse du coût de la vie fragilise les ménages et les expulsions locatives se multiplient. On parle non plus de « crise migratoire », mais d'un « flux continu ».
En conséquence, des millions de ménages sont bloqués dans des hébergements d'urgence ou attendent de se voir attribuer un logement social, qui n'est même pas en construction. Pourtant, l'hébergement d'urgence n'a de sens que s'il est suivi d'un accès au logement. Pendant ce temps, ceux qui sont à la rue restent bloqués dans le sans-abrisme.
Certes, le Gouvernement a souhaité maintenir les hébergements d'urgence à un niveau historique de 203 000 places ouvertes sans condition de saisonnalité, mais cet effort, que je souligne, insuffisant face à l'augmentation des besoins.
Les associations, qui sont en première ligne sur le terrain, confirment que les personnes hébergées en urgence n'ont pas de solution de sortie. Par ailleurs les publics évoluent : ils sont de plus en plus fragiles, parfois sans situation administrative ; les familles ont remplacé les hommes seuls. Les besoins d'accompagnement devraient être pris en charge spécifiquement.
Le deuxième plan Logement d'abord prévoit le recrutement de 500 ETP, ce qui est une excellente disposition, mais elle est pour l'instant aléatoire, tant le secteur peine à recruter.
Les structures associatives sont très fragilisées, précisément à cause du fonctionnement du programme budgétaire dont nous débattons aujourd'hui.
Les crédits votés en début d'exercice n'intègrent pas les hausses de charge, ils sont sous-calibrés et fonctionnent en stop and go, ce qui induit d'énormes difficultés de trésorerie et une situation chroniquement aléatoire. La recherche de financements se fait au détriment du travail social, qui est chronophage et anxiogène. Lorsqu'un système est financièrement en tension, ce sont les humains qui craquent, à l'instar de ce qui s'est passé dans les hôpitaux.
Paradoxalement, on demande aux structures de signer des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), dont les programmations sont pluriannuelles, alors que les engagements financiers de l'État sont de très court terme.
Monsieur le ministre, le logement, c'est à la fois la trappe par laquelle on chute lorsqu'on le perd et la porte d'entrée vers la vie sociale lorsqu'on le retrouve.
Reconnaissant les efforts qui sont faits, et en espérant donner ainsi un minimum de visibilité aux associations, je vais proposer, au nom de la commission des affaires sociales, de voter les crédits de ce programme.
Cependant, le compte n'y est pas, et nous le savons. Aujourd'hui, les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) mettent en place ce que l'on appelle des critères de priorisation, lesquels sont en fait des critères de tri des publics accueillis.
Monsieur le ministre, les enfants qui dorment dans la rue ne sont pas des statistiques ! Confrontés à l'amplification de ce phénomène, les maires sont démunis et n'ont pas les outils.
Aussi, monsieur le ministre, faites plus, c'est urgent. Nous ne pouvons pas nous habituer à une telle situation.