Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'heure où nous allons conclure la discussion générale sur les crédits de cette mission qui porte le beau nom de « Cohésion des territoires », peut-être pourrions-nous nous arrêter quelques instants sur la notion même de cohésion.
S'il est un point qui inquiète beaucoup de nos concitoyens comme leurs élus, en effet, c'est bien l'affaiblissement de la cohésion au sein des territoires.
Les élus de mon département de la Saône-et-Loire que, comme nombre d'entre vous, mes chers collègues, je rencontre chaque semaine dans leur commune, se font l'écho de réalités partagées au niveau national : inégal développement économique, écoles en difficulté, santé à deux vitesses, quand l'accès aux soins n'est pas quasi impossible, difficultés de mobilité, montée de la violence et des incivilités. Ce sont là autant de symptômes de fragmentation préoccupante ou, pour paraphraser Jérôme Fourquet, d'« archipélisation » inquiétante.
Oui, à l'heure où les Français craignent de vivre face à face plus que côte à côte, la cohésion au sein de nos territoires doit être une véritable ambition nationale, au même titre que la cohésion des territoires.
L'augmentation de 5 % en euros constants des crédits de cette mission, portés à plus de 19 milliards d'euros, devrait naturellement offrir quelques espoirs, monsieur le ministre. Pour autant, le détail des choix budgétaires du Gouvernement ne peut qu'inquiéter.
Je m'arrêterai d'abord sur le logement.
Comme les rapporteurs l'ont indiqué, le logement traverse une crise historique dans notre pays. La production de logements neufs s'effondre dans tous les territoires, sous l'effet d'une triple crise, dont le rapporteur spécial Jean-Baptiste Blanc a souligné à juste titre qu'elle était à la fois une crise de la demande, une crise de l'offre et une crise du logement social.
Des milliers de Français se retrouvent bloqués dans leur parcours résidentiel. Des personnes refusent un poste et des étudiants renoncent à leur projet de formation, faute de logements abordables à proximité, alors que les demandes de logements d'urgence n'ont pour leur part jamais été aussi élevées.
Toute construction neuve en France doit pourtant désormais répondre à la double contrainte du ZAN et de la RE 2020, l'une des normes environnementales de construction les plus exigeantes au monde. Des entreprises du bâtiment licencient, ferment des activités, voire disparaissent d'ores et déjà.
Monsieur le ministre, les freins idéologiques mis au modèle du propriétaire occupant comme à la construction de logements neufs correspondent peut-être à votre vision du monde, mais ils ne répondent certainement pas aux aspirations de nombre de nos concitoyens, que vous devriez écouter avec plus d'attention.
Dans ma région, la Bourgogne-Franche-Comté, les premières tentatives de territorialisation de la politique de zéro artificialisation nette conduisent à des bugs insurmontables, certains territoires, comme la Bresse bourguignonne, devant porter leur effort de sobriété foncière, autrement dit le taux d'effort de réduction des droits à construire, à 68, 1 %, au lieu des 50 % prévus par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
Je vous laisse imaginer, monsieur le ministre, le vent de révolte qui commence à se lever dans nos campagnes, alors même que la carte des nouvelles zones de revitalisation rurale n'a pas encore circulé localement.
Cela me conduit au second point que je souhaite aborder, les crédits d'ingénierie locale alloués dans le cadre du plan France ruralités. Ces derniers sont certes en hausse, mais les principales dotations d'investissement aux collectivités territoriales – dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), etc. – diminuent en valeur réelle, au regard du contexte d'inflation et de la hausse substantielle des taux d'intérêt.
Vous conviendrez, monsieur le ministre, qu'il est quelque peu paradoxal d'engager davantage d'études pour financer moins de travaux ensuite !
Nos territoires ruraux se satisfont naturellement de la création du programme Villages d'Avenir, après Action cœur de ville et Petites Villes de demain. Je tempérerai toutefois l'euphorie de notre collègue Bernard Delcros : les affichages ministériels, la dilution de quelques millions d'euros à l'échelon national et la création d'un seul poste au niveau départemental à la préfecture ne sauraient compenser pour nos collectivités, en particulier rurales, les pertes de moyens subies depuis plusieurs années, de baisses des dotations en réformes de la fiscalité locale, en passant par les effets de l'inflation.
Devant de telles incohérences, pour ne pas parler d'« incohésions », sur cette mission, vous comprendrez que nous ayons quelques difficultés à faire confiance au Gouvernement, monsieur le ministre.