Pour engager cette refondation de la politique du logement, le Gouvernement entend remodeler les outils dont il dispose, avant que nous puissions redéfinir ensemble le cadre économique global et le rôle du logement social, ainsi que les outils d'aménagement et d'intervention, notamment sur le foncier. Je souscris à ce que vous avez dit à ce sujet.
Cette semaine, j'étais à l'Assemblée nationale pour examiner une proposition de loi sur la régulation des meublés touristiques. C'est un des éléments de régulation sur lesquels il nous faut avancer. La gestion de l'hébergement d'urgence dans la durée en est un autre : on ne peut pas rester en hébergement d'urgence pendant dix ans. Enfin, nous devons nous saisir du problème des copropriétés dégradées et de l'habitat indigne.
Nous reviendrons sur tous ces sujets, au cours de l'année à venir, dans le cadre des projets de loi relatifs à la copropriété et au logement. En effet, il nous faut avancer sur ces questions de fond.
Nous devrons également déterminer clairement qui est légitime pour assurer le chef de filat de la politique nationale du logement. J'évoquais la nécessité de différencier les situations locales pour prendre en compte leur diversité au sein de la politique du logement. Le changement climatique exacerbera ces différences dans les années qui viennent. L'enjeu pour nous sera donc celui de la décentralisation de la politique du logement. Nous étudierons le sujet ensemble, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au logement, prévu au printemps de l'année 2024.
Par conséquent, je fais le même constat que vous quant à la nécessité de refonder la politique nationale du logement.
Maintenant, que dire du projet de loi de finances ? Il a vocation tout d'abord à amortir le choc de l'immédiat ou de l'urgence, si j'ose dire, puis à conforter le socle écologique et social en matière de politique du logement.
Pour amortir le choc, il faut renforcer la capacité de nos concitoyens à accéder à la propriété, en ciblant, si possible, les besoins les plus importants dans les territoires. D'où la proposition du Gouvernement de différencier davantage la stratégie selon les territoires, en privilégiant le logement neuf en zone tendue, mais en donnant la priorité à l'acquisition ou à la rénovation de logements anciens en zone détendue. Mais vous n'avez pas voulu soutenir ce choix lors de l'examen de la première partie du texte.
Il s'agissait pourtant de réorienter le prêt à taux zéro (PTZ) pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens dans les territoires. On aurait ainsi accru le nombre de ménages susceptibles d'accéder à ce prêt et relevé la part d'opérations finançables pour les plus modestes. Notre premier objectif, dans ce PLF, était donc de doper l'accession à la propriété.
Ensuite, nous voulons amplifier la production de logements locatifs intermédiaires (LLI). Un certain nombre d'entre vous a souligné cette évolution positive. Il s'agit, en effet, d'étendre l'accès à ce type de logement dans de nouvelles zones en mutation, que ce soit dans les territoires d'industrie ou dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT), et d'élargir le dispositif à de nouvelles résidences gérées.
Ce matin, avec Sylvie Retailleau, j'ai ainsi annoncé le plan Logement étudiant, qui pourra s'appuyer en partie sur ces nouvelles résidences gérées en logement locatif intermédiaire.
Enfin, le texte permet une extension indirecte du LLI, via des fonds d'investissement.
Le PLF vise encore à soutenir la libération et le recyclage du foncier grâce à la prolongation et au renforcement des abattements sur les plus-values. Il facilite la mobilisation des friches industrielles, via le fonds vert, ainsi que celle des entrées de ville, via un appel à projets pour lequel nous avons déjà reçu 108 candidatures.
Les établissements publics fonciers (EPF) et les établissements publics administratifs (EPA) se mobiliseront également. Ainsi, Grand Paris Aménagement mettra sur le marché en 2024 bien plus de terrains qu'en 2023.
Ces dispositions du PLF s'inscrivent dans un cadre d'action plus général. En effet, un accord a été passé avec le mouvement HLM, pour stabiliser le taux du livret A à 3 %, ce qui correspond à une économie de charges pour les bailleurs sociaux d'un montant de 1, 4 milliard d'euros.
L'accord prévoit aussi des prêts complémentaires de la Caisse des dépôts et consignations équivalant à 650 millions d'économies de charges.
En outre, le plan Logement étudiant que nous avons précisé ce matin doit permettre, d'ici à la fin du quinquennat, de construire 35 logements en résidence, en logement intermédiaire ou en logement social, dont 8 000 dès la rentrée prochaine en logement social.
Enfin, dans le cadre du programme Territoires engagés pour le logement, nous nous sommes fixé pour objectif de construire 30 000 logements dans les trois ans à venir, sur une vingtaine de sites que nous avons choisis parmi ceux qui connaissent la plus forte tension.
J'ajoute qu'une réflexion est en cours sur l'élargissement des zones tendues. Nous avons déjà pris un arrêté pour étendre ce zonage, mais nous voulons renforcer ce mouvement. Telles sont donc les mesures qui permettent d'amortir le choc.
Ce PLF doit aussi nous donner les moyens d'amplifier nos efforts en matière de transition écologique, afin de mobiliser davantage le parc de logements existant. Nous avons prévu pour cela la fameuse enveloppe de 1, 2 milliard d'euros, dont les bailleurs sociaux bénéficieront sur trois ans afin d'approfondir leur travail de rénovation énergétique du parc.
J'ai entendu dire que le parc social serait en difficulté sur ce sujet, et je veux m'inscrire en faux avec cette affirmation. En effet, il est largement en avance sur le parc privé, en matière de performance énergétique. §Le taux de logements diagnostiqués F et G dans le parc social n'est que de 9, 5 %, contre plus de 20 % dans le parc privé.
Le parc social n'est donc pas en retard par rapport au parc privé sur les enjeux de rénovation énergétique. Les bailleurs sociaux sont exemplaires dans ce domaine, il faut le souligner. Je précise que cela ne signifie pas pour autant qu'il faut leur donner moins de moyens ; c'est la raison pour laquelle nous avons prévu cette enveloppe de 1, 2 milliard d'euros pour les accompagner.
Nous lancerons une réforme des aides à la rénovation énergétique et nous renforcerons à un niveau historique les moyens de l'Anah, dans le cadre des programmes 135 et 174, conformément aux recommandations figurant dans le rapport de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, présidée par Mme Estrosi Sassone.
Quelque 4, 6 milliards d'euros ont ainsi été inscrits dans le budget initial de l'agence, qui placera au cœur de son action les rénovations d'ampleur, la prise en compte des enjeux de confort d'été et l'amélioration des outils de financement du reste à charge.
La mobilisation du parc existant et son adaptation aux nouveaux enjeux passent aussi par la prise en compte du vieillissement de la population. C'est la raison pour laquelle nous créons le dispositif MaPrimeAdapt', pour 250 millions d'euros, à partir de 2024.
Enfin, nous devons consolider le socle social de la politique du logement – une enveloppe de 14 milliards d'euros est prévue en 2024 pour les aides personnelles au logement (APL) – et, surtout, maintenir l'engagement pour l'hébergement d'urgence et l'insertion des plus fragiles – 2, 9 milliards d'euros sont inscrits sur le programme 177 pour l'ouverture de 203 000 places en moyenne tout au long de l'année 2024.
Nous garantissons aussi la montée en puissance du deuxième plan quinquennal pour le Logement d'abord (2023-2027), afin d'apporter des solutions pérennes pour faire face aux situations de fragilité.
Nous souhaitons, en effet, engager un travail de transformation en profondeur de l'hébergement d'urgence, car nous ne saurions tolérer que 42 % des personnes concernées par ce dispositif y séjournent depuis plus de trois ans. Il faut donc une réforme en profondeur de l'hébergement d'urgence, pour redonner du sens à ce dernier mot.
Au-delà du périmètre du ministère du logement, j'en viens à la mission qui porte plus largement sur les crédits en faveur de l'aménagement et du développement équilibré de nos territoires.
Le budget pour 2024 permettra tout d'abord de financer le plan France Ruralités, à travers le programme 112 porté par Dominique Faure, ministre déléguée, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Je vous en rappelle les quatre axes.
Premièrement, il s'agit d'aider les communes rurales à réaliser leurs projets de développement au travers du programme Villages d'avenir porté par l'ANCT. À partir du 1er janvier 2024, l'agence financera cent chefs de projet, qui interviendront auprès des communes rurales, et doublera les subventions à l'ingénierie.
Deuxièmement, il convient de reconnaître et de rémunérer la contribution des territoires ruraux à la planification écologique, en augmentant le montant de la dotation pour la protection de la biodiversité de 40 millions d'euros à 100 millions d'euros.
Troisièmement, il faut apporter des solutions aux problèmes que les habitants des campagnes rencontrent au quotidien, grâce à un ensemble de mesures concrètes et immédiates, dont la prorogation du volontariat territorial en administration, le déploiement de cent nouveaux médicobus à travers le territoire, la pérennisation du fonds de soutien aux commerces ruraux ou encore la création d'un fonds de 90 millions d'euros pour soutenir et investir dans les mobilités du dernier kilomètre.
Quatrièmement, nous pérenniserons, en les modernisant, les zones de revitalisation rurale (ZRR), pour dynamiser et continuer de revitaliser les petites communes, via des aides économiques qui permettront de soutenir l'installation d'entreprises et de professionnels de santé.
La réforme des ZRR était à l'ordre du jour de la séance du Sénat du 26 novembre dernier, ce qui a permis de conclure la phase de concertation avec l'ensemble des acteurs. Les discussions ont abouti à une réforme relativement consensuelle, grâce aux améliorations que vous avez apportées, mesdames, messieurs les sénateurs.
Au-delà de ce plan ambitieux pour les territoires ruraux, nous continuerons de développer les outils que l'ANCT met au service des élus locaux.
Nous renforcerons ainsi le soutien au déploiement des 2 750 maisons France Services, qui permettront à plus de 99 % de nos concitoyens d'être à moins de trente minutes d'une structure. Nous continuerons d'appuyer les différents programmes d'accompagnement en faveur des territoires, qu'il s'agisse d'Action cœur de ville, de Petites Villes de demain ou du futur programme Villages d'avenir.
Nous marquerons notre volonté de favoriser la reconquête industrielle des territoires, puisque le programme « Territoires d'industrie » compte désormais 183 lauréats et que le programme « Fabriques de territoire » connaît une nouvelle vague de développement.
J'en viens pour terminer aux crédits de la politique de la ville portés par Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté et de la ville. Dans le cadre du programme 147, le Gouvernement donne la priorité à la stabilisation des crédits locaux, notamment pour permettre le financement de la nouvelle génération des contrats de ville.
En outre, une enveloppe de 636 millions d'euros sera consacrée à la politique de la ville, en hausse de 40 millions d'euros, pour financer la généralisation des cités éducatives et augmenter la participation de l'État concernant la rénovation urbaine, via l'Anru.
Bien entendu, il ne serait pas raisonnable de limiter les crédits de la politique de la ville aux crédits spécifiques. Une mobilisation interministérielle est également nécessaire, pour que l'ensemble du droit commun contribue à ce que les quartiers concernés sortent de leur situation difficile.