Monsieur le président, chers et chères collègues, lorsque j'ai découvert voici quelques mois que mon nom était proposé par l'OPECST pour travailler sur le thème de la météorologie de l'espace, j'avoue avoir été quelque peu interrogative puisque j'ignorais tout du sujet.
C'est en interrogeant des scientifiques, notamment au Centre national d'études spatiales (CNES) à Toulouse, que j'ai pu prendre conscience de l'immensité du sujet. Je tiens par conséquent à remercier en préambule l'ensemble des experts que nous avons auditionnés et qui nous ont éclairés sur les enjeux de cette discipline.
Ce n'est pas la première fois que l'Office consacre une note scientifique à l'espace. Nous nous sommes en effet déjà penchés sur le sujet des lanceurs spatiaux réutilisables, ainsi que sur celui des satellites et de leurs applications. Jean-Luc Fugit et Ludovic Haye engagent par ailleurs un travail sur le problème des débris spatiaux.
L'espace a définitivement cessé d'appartenir au domaine des sujets purement spéculatifs ; il en va de même pour la météorologie de l'espace. Il y a un millénaire, l'observation des taches solaires ne passionnait qu'une poignée d'astronomes chinois, prêts à mettre pour cela leur cornée en péril. Aujourd'hui, les esprits contemplatifs ne sont plus les seuls à s'intéresser à la physique solaire et à son éventuel impact sur l'environnement. Entre-temps, notre quotidien a en effet été envahi par des appareils dont le fonctionnement repose sur les communications satellitaires, tandis que les réseaux de transport et de distribution d'électricité se sont développés pour atteindre des dimensions inégalées. Peut-être réalisons-nous ainsi la prophétie de Descartes imaginant l'homme « se rendre comme maître et possesseur de la nature ». Il ignorait alors que ce désir de possession nous conduirait à détruire notre environnement, nous rendant de ce fait plus vulnérables.
Pendant longtemps, les aurores boréales ont été les seuls phénomènes relevant de la météorologie de l'espace à être perçus et enregistrés par les humains. Elles résultent d'éruptions solaires si violentes qu'elles dégagent dans l'espace interplanétaire des particules énergétiques qui pénètrent ensuite dans la magnétosphère, puis dans l'ionosphère terrestre, y induisant des orages magnétiques.
Avec la Révolution industrielle et les développements technologiques ultérieurs, ce phénomène a cessé d'être seulement une joie pour l'oeil. Les conséquences néfastes de ces éruptions ont été perçues pour la première fois aux États-Unis en 1859. Cette année-là, à la fin de l'été, une éruption solaire de grande ampleur produisit de très nombreuses aurores polaires visibles jusque dans certaines régions tropicales, aux Caraïbes par exemple. Le réseau de télégraphes électriques fut lui aussi fortement perturbé. On rapporte même que des stations fonctionnant sur batteries auraient continué à fonctionner sans cette source d'alimentation.
On estime que les premières tentatives d'analyse de cet épisode qualifié d'« évènement de Carrington » marquèrent les balbutiements de la météorologie de l'espace en tant que discipline cherchant à comprendre l'influence du soleil sur l'environnement magnétique terrestre.
La France a traditionnellement l'honneur de jouer un rôle important dans le développement et les progrès de cette discipline désormais bien établie. Au niveau mondial, tous les météorologues de l'espace travaillent aujourd'hui à la compréhension de ces phénomènes, en s'appuyant sur la recherche fondamentale en physique solaire pour s'intéresser aux milieux allant du coeur solaire à la croûte terrestre, ainsi qu'à leurs interactions. Sur le plan humain, les progrès de la météorologie de l'espace reposent sur une coopération internationale approfondie entre les spécialistes de différents milieux.
Vous voyez à l'écran le croquis reproduit en page 2 de la note, qui montre l'impact que peut avoir un orage magnétique sur les activités humaines. Ces conséquences potentielles seront d'autant plus importantes à l'avenir que les technologies développées actuellement, en faisant le choix d'un abandon progressif du recours aux énergies fossiles, vont donner une place croissante à l'électricité. Le flux de particules de haute énergie lié à l'activité du soleil et de la magnétosphère peut par exemple accélérer le vieillissement de l'électronique embarquée dans les satellites, provoquer des erreurs informatiques ou réduire la puissance des panneaux solaires qui les alimentent en énergie. Des « bouffées » d'ondes radio émises par le soleil peuvent même perturber les radars de surveillance aérienne.
L'ère technologique fait donc naître le besoin d'une prise en compte de risques nouveaux. Aussi cherche-t-on aujourd'hui à développer une capacité de prévision de ces phénomènes. En quelques décennies, l'horizon de prévisibilité de la météorologie terrestre s'est étendu d'un jour tous les dix ans. Il faut souhaiter que la météorologie de l'espace connaisse une évolution similaire.
L'essor de la science météorologique s'est appuyé sur la compréhension des phénomènes physiques sous-jacents, les observations faites au sol et depuis l'espace, et les progrès de la modélisation. Lentement, mais sûrement, la météorologie de l'espace semble engagée sur la même voie.
Ainsi, un pas important a été effectué en 1995 avec la mission SoHo, menée conjointement par l'Agence spatiale européenne (ESA) et la Nasa, le satellite lancé dans ce cadre étant dédié à l'étude de la structure interne du soleil, de la couronne et du vent solaires.