Intervention de Henri Revol

Réunion du 4 mai 2005 à 15h15
Énergie — Article 13 bis

Photo de Henri RevolHenri Revol, rapporteur :

Sur ces amendements, la commission m'a chargé d'exprimer une position quelque peu hétérodoxe. Elle m'a en effet demandé ce matin, après un débat très riche à propos des DNN, de m'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, quand bien même l'adoption de ces amendements pourrait se révéler incompatible avec d'autres dispositions.

Tel est donc l'avis que, fidèle à ma mission de rapporteur, j'émets sur les deux amendements qui viennent d'être présentés par M. Deneux et par M. Marini. Toutefois, cette exigence de fidélité ne m'empêche pas de vous faire part de mon sentiment personnel sur ce sujet.

Je rappelle tout d'abord que la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz a maintenu les services de distribution détenus en majorité par les collectivités locales ou constitués sous forme de coopératives, à la condition que l'activité de ces services reste limitée à la zone de desserte qui était la leur à la date de la nationalisation. Il existe aujourd'hui environ 163 DNN, constitués sous la forme de régies pour l'essentiel, d'une vingtaine de SICAE, et d'une petite dizaine de sociétés d'économie mixte locales, ou SEML.

La loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a maintenu cet équilibre tout en permettant aux DNN, dans la première phase d'ouverture des marchés, d'exercer une éligibilité partielle pour approvisionner leurs propres clients éligibles.

Avec l'accélération de l'ouverture des marchés au 1er juillet 2004, l'éligibilité totale des DNN a été reconnue en vue de l'approvisionnement effectif des clients éligibles et non éligibles situés dans leur zone de desserte. La loi précise par ailleurs que les DNN « peuvent exploiter des installations de production d'électricité pour satisfaire les besoins des clients situés dans leur zone de desserte exclusive ».

Toutefois, afin de permettre aux DNN d'effectuer des offres multi-sites et de démarcher des clients éligibles hors de leur zone de desserte, la loi du 9 août 2004 a permis à ceux de ces DNN qui étaient constitués sous la forme de régie ou de société d'économie mixte locale de créer de plein droit, et par dérogation aux dispositions du code général des collectivités territoriales, des sociétés commerciales qui, elles, ont la capacité d'intervenir sur tout le territoire national.

Le cas des SICAE n'a pas été traité dans l'article 23 bis de cette loi dans la mesure où aucune disposition ne leur interdit, contrairement aux régies, notamment, de créer une société commerciale.

Comme M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la loi du 9 août 2004, pourra nous le confirmer, les DNN avaient fortement insisté pour pouvoir obtenir le droit de créer une filiale. Or je ne vois pas ce qu'il y a de gênant à entreprendre une telle démarche. En effet, la faculté de créer une société commerciale a été donnée pour éviter aux régies et aux sociétés d'économie mixte d'exposer financièrement et directement les collectivités locales de rattachement aux risques financiers engendrés par une intervention sur le marché concurrentiel national.

Je crois donc pouvoir affirmer que toutes les conditions juridiques sont réunies pour que les DNN puissent exercer leurs activités dans de bonnes conditions dans le cadre de l'ouverture des marchés à la concurrence.

Je tenais surtout à insister sur un point : ces dispositions ont pour objet premier de placer dans une situation identique tous les fournisseurs intervenant sur le marché concurrentiel national, en particulier du point de vue fiscal. Je vous rappelle notamment que les régies n'acquittent pas l'impôt sur les sociétés.

Au surplus, les DNN bénéficient, du fait de leurs missions de service public, dans leur zone de desserte, et seulement dans cette zone, du tarif de cession.

Le niveau moyen de ce tarif est de l'ordre de 29 euros par mégawattheure, alors que, sur les marchés de l'électricité, le ruban s'évalue à plus de 39 euros. La création d'une société commerciale, qui ne peut pas pratiquer le tarif de cession, garantit que ce tarif ne permettrait pas aux DNN de livrer une concurrence déloyale aux fournisseurs ne bénéficiant pas du tarif de cession.

A ce titre, la création d'une société commerciale clarifie les conditions d'exercice des activités des DNN hors de leur zone de desserte et permet de garantir un jeu concurrentiel équitable. Sans vouloir être désobligeant, je ne peux que m'interroger sur les raisons qui font que les DNN ne désirent pas créer de filiales. Auraient-elles quelque chose à cacher ?

En outre, l'absence de filiale rendra le contrôle beaucoup plus difficile. Il sera quasiment impossible de savoir si le tarif de cession n'est pas utilisé pour alimenter des clients hors de la zone de desserte. A moins de procéder à un marquage des électrons !

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