Intervention de Patrick Devedjian

Réunion du 4 mai 2005 à 15h15
Énergie — Article 13 bis

Patrick Devedjian, ministre délégué :

Vous en savez quelque chose, monsieur Marini ! En tout état de cause, c'est un grand avantage pour les DNN qu'elle n'ait pas eu raison !

Deuxièmement, les DNN ont vu les modalités de leur rapprochement facilitées. La loi du 9 août 2004 permet désormais à des DNN de fusionner, même lorsque leurs zones de desserte ne sont pas contiguës, et de créer entre eux des groupements d'intérêt économique pour dégager des synergies.

Troisièmement, les DNN bénéficient d'un tarif de cession hors marché et de la réversibilité de l'éligibilité. Un décret du 27 janvier 2005 institue un tarif de cession accordé par EDF aux DNN, pour leur permettre d'approvisionner leurs propres clients, notamment ceux qui sont non éligibles.

D'une part, le niveau de ce tarif est très bas, de l'ordre de 26 euros le mégawattheure, alors que le prix de marché est de 39 euros, soit 13 euros d'écart.

D'autre part, les DNN bénéficient de la réversibilité de leur éligibilité, ce qui n'a été attribué à nul autre consommateur du système électrique. Ainsi, un DNN qui a entièrement quitté les tarifs administrés en 2003 - c'est le cas de dix d'entre eux - pour bénéficier des prix alors très bas du marché peut demander à revenir aux tarifs pour alimenter ses clients non éligibles. Et cet avantage a été octroyé contre l'avis du Conseil d'Etat.

Le Gouvernement a donc pris des décisions allant contre l'avis de l'Inspection générale des finances et contre l'avis du Conseil d'État. C'est dire s'il est indépendant de l'administration !

L'avantage ainsi conféré à un DNN qui revient aux tarifs est supérieur à 10 millions d'euros par térawattheure, ce qui ferait, rapporté à l'échelle d'EDF, près de 2 milliards d'euros par an !

Quatrièmement, les DNN ont obtenu, sur leur demande, la possibilité d'intervenir indirectement hors de leur zone de desserte. La loi du 9 août 2004 leur permet de sortir de leur zone de desserte en créant une filiale. Cette intervention, même indirecte, déroge à l'article L. 531-1 du code général des collectivités territoriales et à l'article L. 531-1du code rural.

L'article L. 531-1 du code général des collectivités territoriales limite l'intervention des sociétés d'économie mixte locales à des missions de service public, ce qui n'est pas le cas de la fourniture d'électricité à des clients éligibles hors de leur zone de desserte.

L'article L. 531-1 du code rural limite l'activité des SICAE aux services dans l'intérêt des agriculteurs ou des habitants d'une région rurale déterminée.

J'en viens au second volet de mon argumentaire : permettre aux DNN de sortir de leur zone de desserte pourrait constituer une distorsion de concurrence. Je vous invite à bien y réfléchir, mesdames, messieurs les sénateurs.

Dans son avis, la CRE a considéré que la possibilité, pour les DNN, d'utiliser les tarifs de cession pour alimenter leurs clients éligibles pourrait « être assimilée à une subvention publique susceptible de fausser la concurrence entre fournisseurs » et que le niveau des tarifs de cession « pourrait permettre de pratiquer des prix prédateurs ».

Dans son avis sur le tarif de cession, le Conseil de la concurrence estime pour sa part que la réversibilité de l'éligibilité constitue une « distorsion de concurrence sur le marché de la fourniture ».

Ces avis sont corroborés par les nouveaux entrants sur le marché de l'électricité, qui considèrent qu'il est impossible de prendre un client à un DNN...

Ainsi, après l'inspection générale des finances et le Conseil d'État, c'est par la CRE et le Conseil de la concurrence que le Gouvernement ne s'en laisse pas compter !

L'intervention d'un DNN hors de sa zone de desserte fait courir le risque de voir ce DNN utiliser les tarifs de cession pour pratiquer des prix prédateurs.

Même si l'on limite, dans la loi ou le décret, l'utilisation du tarif de cession aux clients de la zone de desserte du DNN, comme l'a rappelé à juste titre M. le rapporteur, dans la pratique, il n'existe aucun moyen de contrôler les quantités qu'un DNN achèterait au tarif ou sur le marché.

En revanche, si un DNN crée une filiale, comme l'y autorise la loi du 9 août 2004, cette filiale n'aura pas accès au tarif de cession. C'est bien là que réside le problème ! Ce n'est pas l'impôt sur les sociétés qui est en cause ! La création d'une filiale par les DNN est un gage de transparence et de non-distorsion de concurrence.

En tout état de cause, intervention hors du territoire et tarif de cession sont, me semble-t-il, incompatibles. De ce point de vue, nous nous exposons à des conséquences lourdes. Si les DNN tiennent absolument à sortir de leur zone de desserte, il conviendrait qu'ils renoncent totalement au bénéfice du tarif de cession. Encore une fois, c'est le fond du problème.

J'ajoute que, si nous étions malgré tout contraints d'entrer dans ce dispositif, il est hautement probable que la seule solution consisterait à augmenter le tarif de cession pour le rapprocher du prix du marché. Entre 26 et 39 euros, la marge est importante, mais le jour où l'on sera plus près de 39 euros que de 26 euros, les demandes se calmeront.

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