Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation sur l'énergie se donnait pour ambition de fixer les grands principes devant guider la conduite de la politique énergétique de la France. Au final, ce projet relègue les orientations en annexe, les privant ainsi de toute portée normative, et affiche de grands principes malheureusement dépourvus de moyens concrets et souvent même en contradiction avec la politique gouvernementale arrêtée.
Les pétitions de principe et les paradoxes de ce projet de loi interviennent, ce qui est très inquiétant pour une loi d'orientation, dès l'article 1er du titre Ier relatif à la stratégie énergétique nationale. Cet article précise : « La politique énergétique française repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique et favorise la compétitivité économique et industrielle de la nation. » Il y est dit plus loin : « Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique. » Comment pouvez-vous déclarer être attaché au service public de l'énergie alors que vous avez organisé la privatisation d'EDF et de GDF en transformant ces entreprises publiques en sociétés anonymes et que vous avez privatisé AREVA au détriment du CEA ?
L'entrée en bourse de GDF a été curieusement repoussée après le référendum, mais elle est déjà programmée pour cet été, alors que celle d'EDF devrait intervenir avant la fin de l'année.
Si vous étiez réellement soucieux de garantir l'intérêt général à travers la préservation du service public dans le secteur de l'énergie, vous n'auriez pas repoussé le sous-amendement n° 242 que nous avons défendu, et qui allait dans ce sens.
Au contraire, vous avez introduit la notion de compétitivité, comme si l'énergie était une marchandise. Compétitivité et concurrence sont devenues les maîtres mots des politiques nationale et européenne. Les entreprises EDF et GDF constituent pour vous une aubaine afin de poursuivre votre politique favorisant l'entrée du capital privé dans les entreprises nationalisées.
Vous faites ici des choix de société qui se situent dans la continuité de la politique libérale de l'Europe, fondée sur le tout profit et incompatible avec l'intérêt général.
Parce que le projet de loi affiche une politique sans se donner les moyens de la mettre en oeuvre, parce que le Gouvernement a pris dans d'autres secteurs des décisions en totale contradiction avec les objectifs du projet, parce qu'il est fondamental de préserver la péréquation tarifaire, la sécurité et la continuité que seul le service public peut garantir, parce que vous avez systématiquement repoussé toutes les propositions que nous avons formulées, parce que vous avez démontré à maintes occasions les contraintes que nous impose l'Europe, le groupe CRC votera contre ce texte tel qu'il a été amendé par le Sénat.