Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’initiative prise par Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, de confier très régulièrement la rédaction de rapports d’information à des membres de la commission issus de la majorité et de l’opposition. Cette innovation a déjà porté ses fruits à plusieurs reprises.
Nous avons aujourd'hui l’illustration d’un tel travail parlementaire avec celui qu’Hugues Portelli et moi-même avons mené conjointement. Pendant plusieurs mois, nous avons procédé à de très nombreuses auditions et sommes ainsi parvenus à un ensemble de conclusions que nous avons pu cosigner et qui ont été adoptées par la commission. La proposition de loi qui vous est soumise constitue la traduction législative de ces conclusions. Modifiée par vingt-trois amendements, elle a été adoptée à l’unanimité par la commission des lois.
Je veux souligner, dans la suite des remarquables explications d’Hugues Portelli, que, sur le sujet qui nous réunit, notre ambition tient en un seul mot : transparence.
Aujourd'hui, il n’est pas un seul débat politique où l’on ne voie, au bout de quelques minutes, l’un des participants brandir tel ou tel sondage. Ces enquêtes ont pris une telle place dans le débat public qu’il est sage de veiller à ce qu’elles soient élaborées, réalisées, puis publiées en toute rigueur et en toute transparence.
Nous avons considéré que, sur bien des points, la loi de 1977 ne répondait plus à la situation actuelle. C'est la raison pour laquelle nous avons mis au point ce nouveau texte.
Monsieur le ministre, il ne vous a pas échappé que la loi de 1977 ne précisait nullement ce qu’était un sondage. C’est pourquoi nous avons proposé la définition suivante, fruit d’une longue réflexion : « Un sondage est une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon représentatif de celle-ci, qu’il soit constitué selon la méthode des quotas ou selon la méthode aléatoire. » Par sa clarté, cette définition permet de couvrir l’ensemble des sondages qui sont menés, y compris ceux qui, pour ne pas tomber sous le coup des règles prévues par le législateur, ne se présenteraient pas comme tels.
Qu’entend-on par transparence ?
Concrètement, cela signifie d’abord que tout chacun doit savoir qui paie le sondage. Et si le payeur n’est pas le commanditaire ou l’organe – organe de presse ou chaîne audiovisuelle – qui publie les résultats de l’enquête, il faut qu’on le sache aussi. Par ailleurs, si c’est un sondage « omnibus », il convient de préciser qui en paie la partie politique.
Toujours au nom de la transparence, nous pensons qu’il faut publier toutes les questions qui ont été posées aux personnes sondées ; à cet égard, nous avons d’ailleurs pris en compte une objection formulée lors de l’examen de ce texte par la commission, j’y reviendrai dans quelques instants.
Nous demandons en particulier que toutes les questions soient publiées – que ce soit dans la version papier ou électronique du journal – et que l’intégralité des résultats de l’enquête soit déposée à la commission des sondages.
Hugues Portelli l’a fait remarquer très justement : si dix questions ont été posées, mais que seules trois sont publiées – par exemple, la deuxième, la quatrième et la huitième –, on ne peut interpréter les réponses apportées à ces trois questions qu’au regard de toutes celles qui ont été soumises au panel. En effet, la réponse à la deuxième question dépend nécessairement de celle qui a été fournie à la première, etc.
En outre, il faut publier les marges d’erreur. C’est très important d’un point de vue scientifique. Prenons le cas d’un sondage qui indique qu’un candidat obtient 49 % d’intentions de vote et l’autre 51 %. Il convient de préciser que, si 900 personnes ont été interrogées, la marge d’erreur est de 3 % et que celle-ci passe à 3, 5 %, voire à 4 % – en plus et en moins, et ce n’est pas rien ! – si le panel a été constitué de 500 personnes seulement. Puisque c’est la vérité, autant la dire ! Où est la difficulté ? Présenter un résultat comme absolu sans préciser la marge d’erreur dont il est affecté revient à fournir une information erronée.
J’en viens à la question des redressements. Il s’agit là d’un vaste débat. Hugues Portelli a insisté sur ce point : il existe une différence entre les résultats bruts et ceux qui sont présentés par l’institut qui a organisé le sondage. D’aucuns l’admettent, mais rétorquent qu’il n’est pas nécessaire de le savoir, suggérant de faire comme si ce phénomène n’existait pas.
Monsieur le ministre, comme nous, vous êtes attaché à la vérité. C’est pourquoi nous proposons que les organismes qui réalisent ces sondages fournissent à la commission des sondages les résultats bruts et expliquent par quelle méthode précise ils sont parvenus au résultat publié. C’est encore affaire de transparence !
En effet, pour procéder à ces redressements, on recourt à une méthode qui consiste à projeter ce que l’on a observé lors des scrutins précédents sur le scrutin dont il est question.
Certains représentants des instituts de sondages – pas tous – nous opposent que cela fait partie de leurs secrets de fabrication. À tous nous avons demandé : « Votre démarche est-elle scientifique ? » Et tous, sans exception, ont répondu que oui, déclarant, à juste titre, qu’ils faisaient de la science sociale. De toute façon, si tel n’était pas le cas, il n’y aurait aucune pertinence à présenter des résultats chiffrés. En effet, une base scientifique est nécessaire pour y parvenir : les chiffres ne tombent pas du ciel ! Il faut des enquêtes, menées auprès d’échantillons, avec des quotas, des méthodes aléatoires. Mais cela suppose une technique.
Certains des représentants que nous avons auditionnés nous expliquent que, lorsque nous allons au restaurant – ce que vous ferez peut-être ce soir, monsieur le ministre, à l’occasion de la Saint-Valentin, si vous en avez le temps