Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 14 février 2011 à 15h00
Sondages — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

Tout d’abord, je tiens à mon tour à remercier nos collègues Mmes Assassi et Bonnefoy, MM. Frassa et Fortassin, qui, chacun à leur manière, ont illustré l’intérêt que présentait la proposition de loi de M. Portelli.

Monsieur le ministre, je reviendrai très succinctement sur certains des points que vous avez développés.

Tout d’abord, je note que vous n’avez pas contesté un grand nombre des propositions incluses dans notre texte : par exemple, savoir qui finance le sondage, connaître les questions, les taux de non-réponses, les marges d’erreur. Puisque vous n’avez pas mentionné de nombreuses dispositions, que vous n’avez donc pas présenté d’objection à leur sujet, peut-être m’est-il permis de considérer qu’un accord est envisageable sur ces points ?

Par ailleurs, je souhaitais vous faire observer que nous travaillons sur ce sujet depuis un an, que nous sommes le 14 février, que la proposition de loi a été déposée par M. Hugues Portelli le 25 octobre dernier et que, depuis cette date, nos positions sont connues.

En outre, nous avons auditionné un certain nombre de personnalités. Or, parmi ces dernières, ni les professeurs Carcassonne et Maligner, ni Mme Marie-Ève Aubin, conseiller d’État et présidente de la commission des sondages, ni M. Guyomar, membre du Conseil d’État et secrétaire général de la commission des sondages, ni les représentants du ministère de la justice n’ont présenté d’objection d’ordre constitutionnel. Nous avons d’ailleurs pris en compte dans nos vingt-trois amendements un certain nombre de remarques émanant des représentants du ministère de la justice et du ministère de l’intérieur, mais, je le répète, aucun argument d’ordre constitutionnel n’a été invoqué lors des auditions que nous avons menées.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, vous comprendrez que nous soyons quelque peu surpris de votre réaction ; je me permets de vous le faire remarquer d’autant plus que vous vous êtes fait l’interprète de M. le garde des sceaux.

S’agissant de l’objection que vous avez émise au sujet de la Polynésie française, je vous précise qu’elle est satisfaite par un amendement qui a été adopté en commission.

Votre affirmation au sujet d’internet est une vérité d’ordre général : internet est mondial, nous élaborons la législation pour la République française. Cet argument peut être mis en facteur commun et vaut pratiquement pour tous les sujets.

A contrario, nous considérons que ce n’est pas parce qu’internet existe qu’il faut renoncer à une législation nationale. Le dispositif prévu par la proposition de loi n’introduit aucune entrave, ne risque de créer aucune difficulté pour les entreprises françaises. Quant aux entreprises étrangères, elles ont tout à fait le droit de faire des sondages en France ; elles doivent simplement dans ce cas respecter la législation française. Par conséquent, monsieur le ministre, tout le monde est logé à la même enseigne.

Vous avez critiqué l’absence de définition du périmètre du débat et de la sphère politiques dans le texte de la proposition. Monsieur le ministre, il ne vous a pas échappé que, dans la loi du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion, ce qui relève du débat électoral n’est pas non plus précisément défini et il est sage qu’il en soit ainsi. Un débat sur les retraites, sur la dépendance ou sur tel médicament s’inscrit nécessairement dans le débat politique, vous le comprenez ; le périmètre du débat politique sera une question de jurisprudence.

Le problème ne se pose pas pour les sondages – généralement non publiés – commandés par une entreprise, une marque ou une enseigne, qui n’entrent pas dans le champ d’application de la loi. En revanche, il est bon que tous les sondages qui relèvent du débat public soient soumis aux dispositions de la loi afin que la transparence soit la plus grande possible.

Enfin, et je ne m’attarderai pas sur ce point, car je sais que notre collègue Hugues Portelli aura l’occasion de s’exprimer, je tiens à rappeler que ce texte ne porte aucunement atteinte à la liberté d’expression. Nous n’avons jamais prévu d’interdire la publication de tel ou tel sondage ! Nous avons même pris toutes les dispositions pour que tout sondage puisse être publié.

Toute question peut être publiée ; nous demandons même que les questions soient publiées, qu’elles soient connues ! Les réponses sont également publiées. Si les instituts de sondage ne respectent pas la loi, la commission des sondages effectue une mise au point et inflige le cas échéant une amende, mais les sondages sont tout de même publiés.

À aucun moment nous ne portons atteinte à la liberté d’expression, à laquelle nous sommes très attachés.

Monsieur le ministre, vous savez qu’il existe une autre obligation à caractère constitutionnel : la garantie de sincérité du scrutin. C’est d’ailleurs la raison d’être de la loi sur les sondages !

En effet, la liberté d’expression doit être préservée, mais ce dans le cadre de la loi de telle sorte qu’en période électorale la sincérité des scrutins soit garantie. De notre point de vue, pour garantir cette sincérité des scrutins, il ne faut en aucun cas porter atteinte à la liberté d’expression, mais il faut assurer la plus grande transparence possible.

C’est en effet grâce à la transparence des informations relatives aux sondages que le débat pourra se dérouler avec les meilleures garanties possibles ; c’est seulement ainsi que la liberté d’expression, à laquelle nous tenons comme à la prunelle de nos yeux, sera compatible avec la sincérité du scrutin.

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