Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi organique dont vous êtes saisis a pour objet la validation des accords conclus en matière fiscale entre la France et les collectivités de Polynésie française, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
La négociation de ces accords répond à deux objectifs majeurs : se conformer aux prescriptions de la loi pour le développement économique des outre-mer, la LODEOM, approuvée le 27 mai 2009, et compléter les lois organiques de 2007 et de 2010 sur la question de la répartition des compétences fiscales, entre l’État et Saint-Martin.
Je tiens à rappeler que la précédente proposition de M. Fleming avait pour objet de clarifier la notion de résident de Saint-Martin, au sens fiscal du terme. Elle a ouvert la voie à la négociation d’une convention fiscale entre la France et Saint-Martin, conforme aux intérêts des deux parties. Cette convention est l’un des quatre textes que le Sénat est appelé à ratifier.
C’est le Conseil Constitutionnel, dans un avis du 21 janvier 2010, qui a précisé, comme l’a souligné M. le rapporteur, que les lois de validation des conventions fiscales prévues entre Saint-Martin et l’État devaient être prises en la forme organique. En effet, ces conventions sont conclues en application d’une compétence reconnue à la collectivité par la loi organique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez donc, pour la première fois, valider par une loi organique des conventions et accords à caractère fiscal conclus entre la France et des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution.
Je tiens tout particulièrement à souligner que le texte qui vous est soumis est conforme à la répartition des compétences entre l’État et les collectivités. En effet, comme vous le savez, la loi organique du 27 février 2004 a donné à la Polynésie française l’exclusivité de la compétence en matière fiscale. De même, la loi organique du 23 février 2007 a accordé à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy la compétence en matière d’impôts et taxes.
Au titre de cette compétence, les collectivités recueillent des informations, notamment dans le cadre du traitement des dossiers des contribuables domiciliés sur leur territoire. Les conventions organisent la transmission de ces renseignements à l’État. Sans cette transmission, la France ne pourrait pas honorer les accords internationaux qu’elle a conclus dans le domaine de la transparence financière et de la lutte contre les paradis fiscaux. Il s’agit là d’un enjeu essentiel pour l’évaluation de la France par le Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux, le GAFI.
Je veux redire ici avec force que cette démarche de transmission d’information à caractère fiscal est importante pour notre image internationale. Le Gouvernement a pris des positions sans ambigüité en matière de lutte contre les paradis fiscaux.
Certains se sont élevés contre la prétendue création de « paradis fiscaux », en particulier en outre-mer. Rien n’est plus faux. Selon la définition retenue par l’OCDE, un paradis fiscal se définit principalement par plusieurs critères cumulatifs. L’examen de ces derniers par les instances internationales, qu’il s’agisse de l’OCDE ou du GAFI, n’a jamais conduit à une conclusion négative pour la France, notamment, pour ses collectivités d’outre-mer.
Il n’y a pas de paradis fiscal en France et l’objet des textes qui sont présentés aujourd’hui est justement de disposer d’un cadre juridique conforme aux exigences les plus fortes du droit international en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux.
Venons-en à l’examen du texte.
L’article 1er de la proposition de loi organique est consacré à la convention entre l’État et la collectivité de Saint-Martin en vue d’éviter les doubles impositions.
Je m’arrêterai quelques instants sur la genèse de ce texte.
Dès mon arrivée rue Oudinot, comme le sait M. Fleming, mon attention a été appelée sur les difficultés d’application de la loi organique de février 2007. Elles se sont concentrées essentiellement sur la notion de revenus de source. C’est avec mon accord que cette question a été réglée par les dispositions de la loi organique du 25 janvier 2010. La collectivité peut désormais appréhender l’ensemble des revenus de source saint-martinoise.
L’équilibre issu de cette loi maintient cependant la distinction entre les personnes domiciliées à Saint-Martin depuis plus de cinq ans et celles qui y sont domiciliées depuis moins de cinq ans. Ces dernières ne sont pas considérées comme résidentes fiscales de la collectivité. Pour ces personnes, Saint-Martin ne peut donc taxer que les revenus de source locale. C’est pourquoi les revenus des fonctionnaires de l’État ne pouvaient pas être appréhendés par la collectivité.
C’est cette difficulté qui a été réglée dans le cadre de la convention. En effet, pour le règlement de la situation des fonctionnaires affectés sur le territoire de Saint-Martin, l’article 14 de la convention précise que, si l’emploi est exercé sur place, les traitements correspondants y sont imposables. Saint-Martin pourra désormais taxer l’ensemble des revenus du travail, y compris ceux des agents publics, lorsqu’ils sont perçus sur son sol.
Concernant Saint-Martin, j’évoquerai en outre l’accord d’échange de renseignements, conclu le 23 décembre 2009, qui fait l’objet de l’article 2 de la proposition de loi.
Comme je viens de le rappeler, la France est tenue, à l’échelon international, par de nombreuses obligations de coopération et d’échange de renseignements en vue de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
La ratification de cet accord nous permettra d’assurer le respect des obligations qui s’imposent à nous.
J’aborderai à présent l’article 3 du texte. La Polynésie est liée à la France par une convention fiscale de 1957 qui ne prévoyait pas, jusqu’à aujourd'hui, les modalités d’échange de renseignements pour la lutte contre la fraude fiscale. Il devenait nécessaire et urgent de définir le cadre de la coopération entre l’État et le territoire dans ce domaine.
Je le souligne, c’est avec une grande rapidité que, le 29 décembre 2009, soit à peine six mois après le vote de la LODEOM, les autorités de Polynésie ont négocié l’accord d’échange de renseignements qui est présenté aujourd’hui à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs. J’y vois le signe de la volonté des Polynésiens d’améliorer la transparence et l’efficacité de leur système fiscal.
S’agissant enfin de Saint-Barthélemy, l’article 4 de la proposition de loi organique vise à autoriser l’approbation de la convention d’échange de renseignements conclue entre la France et cette collectivité le 14 septembre 2010. Je ne justifierai pas la nécessité de cet accord, car le contexte est comparable à celui que j’ai évoqué pour Saint-Martin.
À propos de Saint-Barthélemy, je veux insister sur l’importance de la convention qui la concerne. Le régime fiscal de l’île, très spécifique, a été établi pour répondre aux besoins de la collectivité et de ses habitants. En aucun cas il n’a été voulu comme un instrument d’optimisation fiscale au profit de personnes physiques non-résidentes.
Dans cet esprit, l’accord de renseignements traduit bien l’orientation adoptée par Saint-Barthélemy, qui lui permettra de participer, au même titre que les autres collectivités françaises, à la lutte contre la fraude fiscale.
C’est bien le message que nous envoient les autorités locales, en signant cet accord d’échange de renseignements. Elles nous rappellent ainsi que c’est dans le respect des lois de la République et des engagements de la France que les habitants de Saint-Barthélemy entendent vivre leur autonomie fiscale.
Vous l’avez compris, cette proposition de loi organique traduit une démarche responsable, dont l’objectif est double : il s’agit, d’une part, de renforcer la transparence et, d’autre part, de nous donner les moyens de lutter efficacement contre la fraude fiscale et le blanchiment.
Elle est aussi le fruit d’un exemplaire travail de collaboration entre l'État et ces trois collectivités, et je m’en félicite.
C’est pourquoi je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter la proposition de loi organique qui vous est soumise.