Cependant, celui-ci soulève des questions et, surtout, suscite de notre part certaines réticences.
Première interrogation, dès lors que l’on applique la convention OCDE issue de la résolution adoptée en avril 2009 lors du G20 de Londres, où chacun s’était engagé à lutter contre les paradis fiscaux, n’est-il pas légitime de s’interroger sur la situation qui prévalait avant la signature de ces conventions ? Avions-nous affaire à des territoires non coopératifs, autrement dit des paradis fiscaux ? M. Fleming est certain pour sa part, il vient de nous le dire, que tel n’est pas le cas.
Je tiens à vous rassurer, mes chers collègues : au sens des définitions adoptées par les instances internationales, les collectivités d’outre-mer françaises ne sont ni des paradis fiscaux ni des places de blanchiment. Toutefois, nous sommes dans un entre-deux, et je suis soucieuse de ce que nous ferons par la suite. A priori, il doit être plus facile de contrôler ces territoires, grâce à l’échange automatique de renseignements fiscaux – nous y serions plutôt favorables –, que de s’attaquer aux règles fiscales des îles Caïmans ou au secret bancaire du Liechtenstein !
Cependant, je veux rappeler la position constante du groupe socialiste en la matière : les règles de l’OCDE méritent d’être améliorées. La commission des finances a en effet pu le vérifier, en étudiant en détail les conventions passées avec des pays tiers. Elle a procédé, notamment, à des auditions régulières du secrétaire, qui se trouve être français, de l’un des groupes du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements, forum qui coordonne les contrôles. Bien que les règles de l’OCDE soient assez lâches, pour ne pas dire pire, elles ont le mérite d’exister et de constituer une référence internationale.
Il faut donc préjuger que les nouvelles conventions signées par la France faciliteront l’assistance administrative et le contrôle.
Deuxième interrogation, ces conventions signifient-elles qu’aucun contrôle n’existait auparavant ? Nous sommes très attachés – le groupe socialiste n’est pas seul dans ce cas, puisque M. le rapporteur général nous rejoint sur ce point – à ce que les dispositions de la loi de finances rectificative de décembre 2009 s’appliquent si l’on constate, en application de ces conventions fiscales, un défaut de coopération.
Je nuancerai toutefois mon propos, en souhaitant que la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, récemment mise en place après de longs mois de préparation, procède à des contrôles. Il est vrai que la France, vous l’avez dit, madame la ministre, ne devrait plus être suspectée d’entretenir en son sein des paradis fiscaux subventionnés par le budget de l’État, ces territoires bénéficiant par ailleurs de nombreuses mesures de défiscalisation.
Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, mon propos est équilibré : j’ai pesé le pour et le contre, pour en arriver à une position plutôt favorable.
Nous avons cependant deux réticences.
La première concerne la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy, qui fait l’objet de l’article 4 de la proposition de loi organique.
La situation de ce territoire n’est pas identique à celle de Saint-Martin qui rencontre des difficultés économiques et financières. Saint-Barthélemy, pour sa part, est beaucoup moins peuplé et, sans vouloir vexer personne, d’autant que mon collègue Michel Magras n’est plus là, bien plus « opulent ». Surtout, il n’y existe aucune fiscalité directe.
Nous voterons contre cet article 4. En effet, contrairement à Saint-Martin, qui a fait la démarche de déposer l’ensemble de sa convention, Saint-Barthélemy a procédé à une démarche a minima, et ce alors que la loi organique impose que la convention fiscale soit le plus rapidement possible effective et complète. Or elle ne l’est que sur un point. La convention fiscale est, en effet, l’un des cadres importants des relations entre l’État et les collectivités d’outre-mer et nécessaires pour la vie quotidienne des résidents.
Si nous votions l’article 4 tel qu’il est rédigé, nous ferions le choix délibéré de remettre aux calendes grecques la signature d’une réelle convention fiscale entre Saint-Barthélemy et l’État. Or cette convention fiscale est attendue par les habitants de Saint-Barthélemy qui, faut-il le préciser, ne roulent pas tous sur l’or. Si le territoire est « opulent », comme je l’ai dit, on n’y trouve pas que des riches !
Par ailleurs, il faut revenir sur le rôle de la défiscalisation dans ces territoires.
Notre collègue Roland du Luart, dans son rapport d’information de novembre 2002 intitulé La défiscalisation dans les départements et les territoires d’outre-mer, fait au nom de la commission des finances, pointait les risques engendrés dans ces territoires par les mesures de défiscalisation, ainsi que « l’absence de procédures de contrôle et le nombre incertain de sanctions ». Est-ce la meilleure manière d’aider ces territoires que de multiplier les sources de défiscalisation, autrement dit les niches fiscales ?
Aux niches fiscales, le groupe socialiste a toujours clairement préféré les subventions. C’est la position qu’il a toujours défendue dans les débats consacrés à cette question. Surtout, ces mécanismes de défiscalisation peuvent être propices à la fuite de capitaux, car la tentation est forte de mobiliser ces niches pour réinvestir dans un circuit légal des fonds qui ne le sont pas. Dès qu’il y a défiscalisation, le fisc est moins présent et, fort logiquement, moins regardant sur l’origine des fonds !
Il faut donner des moyens financiers à ces collectivités, en particulier à Saint-Martin pour que celle-ci puisse équilibrer son budget.
S’agissant de cette île, à laquelle vous êtes très attaché, mon cher collègue Fleming, j’ai entendu dire que la frontière entre ses parties hollandaise et française était largement virtuelle, les mouvements bancaires entre l’une et l’autre étant fréquents et peu contrôlés.
J’ajoute que la présence de casinos crée une suspicion certaine, car on sait très bien que ces établissements peuvent être utilisés pour « légaliser » des fonds d’origine illicite.
En conclusion, il faut espérer que cette proposition de loi organique permettra au fisc d’exercer un réel contrôle. La brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, issue de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative, étant désormais opérationnelle, il n’existe aucune raison, à nos yeux, pour qu’elle n’exerce pas ses prérogatives, autant qu’elle en a les moyens.
Le groupe socialiste votera contre l’article 4 relatif à la convention entre l’État et Saint-Barthélemy pour les raisons que j’ai indiquées. Par logique pure, nous nous abstiendrons sur le texte comme nous l’avons fait chaque fois qu’une convention fiscale de type OCDE avec des États ou des territoires étrangers nous était soumise.