Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 14 février 2011 à 15h00
Accords entre l'état et les collectivités territoriales de saint-martin de saint-barthélemy et de polynésie française — Article 1er

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

L’article 1er de cette proposition de loi organique présente un caractère pour le moins original.

Il s’agit en effet d’une convention fiscale que la France signera avec la collectivité territoriale de Saint-Martin, destinée à éviter les doubles impositions.

Que cherche à résoudre cette convention ? Fondamentalement, elle cherche à consacrer ce que le président Arthuis a qualifié de « laboratoire d’innovation fiscale », lors de l’examen du rapport en commission. La raison d’être de ce laboratoire trouve son origine dans l’esprit et la lettre de l’article 74 de la Constitution.

Contrairement à Saint-Barthélemy, la collectivité territoriale de Saint-Martin n’a pas élaboré un code des contributions. Elle s’est contentée, si l’on peut dire, de prendre le code général des impôts et de le mettre en lien avec la situation locale.

Puisqu’il s’agissait d’une priorité, à Saint-Martin il n’existe pas de bouclier fiscal, ni d’impôt de solidarité sur la fortune, ni de taxe sur les salaires, sinon, bizarrement, un sous-produit de la TVA appelé « taxe générale sur le chiffre d’affaires », ou TGCA, qui ne laisse pas d’option aux assujettis – contrairement au territoire métropolitain –, ainsi qu’un impôt sur les sociétés et un impôt sur le revenu dont le barème est, de manière générale, aménagé à la baisse.

Notons que Saint-Martin, dans la fameuse délibération du conseil territorial du 21 novembre 2007 – nous l’avons consultée avec intérêt – qui a fixé l’essentiel des règles fiscales locales, a supprimé pratiquement toutes les niches de l’impôt sur le revenu, comme de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire qu’elle a opté pour une simplification et une lisibilité des règles.

La vérité, c’est que lorsque l’on compte plus ou moins 20 % de sans-emploi et un grand nombre de familles ne disposant pas de ressources très élevées pour vivre, on peut largement se contenter d’adapter le dispositif de défiscalisation outre-mer, comme c’est le cas aujourd’hui.

Enfin, la délibération du 21 novembre prévoit d’appliquer à Saint-Martin le régime de réduction du montant de l’impôt sur le revenu appliqué en Guyane, soit une baisse de 40 % du montant de l’impôt dans la limite de 6 700 euros.

À la suppression de l’ISF, Saint-Martin ajoute donc la flat tax ! Là encore, on pourrait dire que M. le président Arthuis a eu raison : Saint-Martin est un laboratoire d’innovation fiscale !

Mais le résultat de cette situation découle de l’objectif visé, celui de percevoir un minimum de recettes fiscales, sur un territoire où les contribuables, à l’exception sans doute notable des fonctionnaires en place sur l’île, ont parfois de la peine à faire face à leurs obligations.

Pourtant, ce choix ne rencontre pas un grand succès, puisque le 25 mars 2010, lors de la délibération d’examen du budget primitif de la collectivité, le conseil territorial de Saint-Martin, à la demande de son président M. Frantz Gumbs, a accordé l’inscription d’une ligne de provision pour créances fiscales irrécouvrables de 26 millions d’euros !

Ce chiffre doit être comparé au rendement de 7, 1 millions d’euros de l’impôt sur le revenu, constaté en 2006 à Saint Martin, ce qui, pour une collectivité d’environ 45 000 habitants, doit sans doute constituer un record !

Autrement dit, ce que vous nous proposez de valider avec l’article 1er, quoi que vous disiez sur la nécessité de clarifier le traitement fiscal entre résidents et non-résidents, ce n’est, ni plus ni moins, qu’une gestion plutôt défaillante ou, pour le moins, en délicatesse des deniers publics.

D’ailleurs, la même délibération du conseil territorial indique, en article 5, que l’on ne procédera à aucune affectation du titre des excédents de fonctionnement capitalisés, puis, en article 6, que l’on opérera les ajustements, concernant les résultats définitifs de l’exercice 2009, après le vote du compte administratif de 2009, à l’occasion du budget supplémentaire de 2010.

Cela montre, s’il en était besoin, que, dès lors que l’on mélange compte administratif et décision modificative, on est dans l’urgence comptable...

Toutes ces remarques nous amènent naturellement à rejeter sans hésiter l’article 1er, parce que cette convention ne vise réellement qu’à entériner une situation locale peu satisfaisante du point de vue du rendement des impôts et de la réalité des informations et du contrôle qui sera opéré sur la situation de certains contribuables peu regardants.

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