Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 14 février 2011 à 15h00
Accords entre l'état et les collectivités territoriales de saint-martin de saint-barthélemy et de polynésie française — Article 4

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Concernant cet article 4, la situation de Saint-Barthélemy est nettement différente de celle de Saint-Martin ou de la Polynésie française : ni impôt sur le revenu, ni impôt sur les sociétés, ni, évidemment, impôt de solidarité sur la fortune.

L’une des différences de fond est que la population de Saint-Barthélemy est nettement plus réduite que celle de Saint-Martin, mais que, lors des derniers exercices fiscaux au cours desquels les deux collectivités étaient partie intégrante de la Guadeloupe, le rendement de l’impôt sur le revenu était quasiment aussi important à Saint-Barthélemy qu’a Saint-Martin...

Cela a conduit la commission d’évaluation des transferts de compétences à demander à la collectivité de verser plus de 6 millions d’euros environ à l’État pour compenser les pertes de recettes fiscales liées à la nouvelle extraterritorialité.

Soyons précis, mes chers collègues, et dépassons quelque peu la fameuse question de la non-résidence, qui a été présentée comme celle que la convention devait permettre de résoudre.

En 2007, l’impôt sur le revenu rapportait 6, 7 millions d’euros à Saint-Barthélemy, dont 6, 2 millions récupérés auprès de 27 foyers fiscaux déclarant tous plus de 97 500 euros par an, et, en moyenne, 1, 3 million d’euros...

En 2008, ce rendement est tombé à 2, 4 millions d’euros, notamment de par l’application des règles de résidence des contribuables. D’ailleurs, le revenu moyen des foyers les plus aisés a diminué de 1 million d’euros.

Conclusion de ce processus : les plus riches habitants de l’île ont bénéficié, avec l’absence d’impôt sur le revenu dans le code des contributions de Saint-Barthélemy, d’une chute libre du montant de leur imposition, puisque celle-ci se situe désormais 4, 4 millions d’euros en dessous de ce qu’elle était en 2007, ce qui signifie que le changement de statut leur a rapporté en moyenne près de 200 000 euros par foyer...

Contrairement à ce que certains ont dit, Saint-Barthélemy serait-il un paradis fiscal ? Oui, mais pour les initiés !

Allons au bout de la logique et posons-nous, notamment, la question de la résidence des personnes morales.

Je n’aurais pas la mauvaise grâce de souligner par quel artifice, finalement assez grossier, on peut aisément donner aux entreprises domiciliées à Saint-Barthélemy la qualité de résidente locale.

Il suffit, madame la ministre – vous êtes intervenue sur ce point tout à l’heure –, d’appliquer l’article 4 du code des contributions qui dispose notamment, en son deuxième alinéa : « Sont également considérées comme ayant leur domicile fiscal dans la collectivité de Saint-Barthélemy, les personnes morales ayant établi à Saint-Barthélemy leur siège de direction effective et qui sont contrôlées, directement ou indirectement, par une ou plusieurs personnes physiques résidentes à Saint-Barthélemy au sens de l’article 2 du présent code. »

Cette citation montre qu’il suffit de trouver un habitant du cru suffisamment compréhensif pour, au travers d’une entreprise ad hoc, assumer telle ou telle activité pour compte de tiers domicilié ailleurs...

Fort habilement, dois-je l’avouer, le même code des contributions limite l’application de la clause de résidence pour les entreprises assurant la vente de marchandises à l’export du territoire de la collectivité.

Cela signifie, pour aller vite, que toute entreprise qui se contente de vendre des services dématérialisés en direction de telle ou telle autre entreprise, y compris métropolitaine, pourra bénéficier de la résidence à Saint-Barthélemy et se contenter d’acquitter le forfait fiscal de 300 euros – plus 100 euros par salarié – dont nous avons déjà dit à quel point il s’apparentait à ce que l’on rencontre, pas très loin de l’île, avec le système des IBC, International Business Companies.

Autre aspect clé de la convention dont nous parlons : placer l’île sur le chemin du statut de pays d’outre-mer, c’est-à-dire de territoire pouvant échapper aux règles communautaires en vigueur dans bien des domaines sensibles – notamment la protection de l’environnement, le droit de l’urbanisme ou les normes de construction – pour toute île caribéenne.

C’est bien parce que nous voulons poser clairement la question de la pertinence de l’article 74 de la Constitution et de son application – sa mise en œuvre n’a-t-elle pas été rejetée par les populations de la Martinique comme de la Guyane, qui ont préféré rester régies par les dispositions de l’article 73 de la Constitution ? – que nous sommes plus que réservés en ce qui concerne l’adoption de cet article 4.

Asseoir légalement une forme de paradis fiscal – loin d’être un paradis pour tous, vu la cherté de la vie et les handicaps liés à l’insularité, qui contraignent par exemple les jeunes à émigrer afin de poursuivre leurs études – et compléter l’affaire en ouvrant la porte à un futur porteur de risques pour la qualité de vie, l’environnement ou encore la transparence des activités financières et économiques, nous ne le voulons pas.

C’est pourquoi nous ne voterons pas cet article.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion