Intervention de Philippe Douste-Blazy

Réunion du 30 mars 2005 à 15h00
Assistants maternels et assistants familiaux — Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, la famille a profondément évolué au cours de ces dernières décennies.

Pour répondre à cette évolution, il nous faut construire, ensemble, un nouveau mode d'aide et d'accompagnement des parents adapté à l'évolution de la société.

Contrairement à ce qui pouvait être observé dans les années soixante, la plupart des mères conservent, désormais, une activité professionnelle, et les pères sont de plus en plus présents dans l'éducation des enfants. Cependant, 45 % des parents déclarent aujourd'hui recourir à un mode de garde qui ne recueille pas leur adhésion.

Sur les 2, 2 millions d'enfants de moins de trois ans que compte notre pays, 300 000 ne bénéficient d'aucun mode de garde identifié. Nous ne pouvons l'accepter.

Je souhaite que, d'ici à 2010, plus de la moitié des enfants de moins de trois ans bénéficient d'un mode de garde en crèche ou chez une assistante maternelle, étant rappelé qu'ils sont moins d'un tiers aujourd'hui.

C'est pourquoi j'ai proposé de nouveaux modes alternatifs de garde, souvent mieux adaptés aux besoins des familles modernes.

Pour cela, il est nécessaire de libérer les crèches privées des contraintes qui pèsent sur elles pour que les maires de France qui le souhaitent puissent, à un moindre coût, doter leur ville de ces structures sans se heurter à des obstacles ou à des délais inutiles.

Il faut également développer les crèches d'entreprises pour ne pas briser le nouvel élan que manifestent aujourd'hui de nombreux groupes français envers leurs salariés.

Mais il importe, surtout, de professionnaliser les assistants maternels et les assistants familiaux, qui offrent une solution de proximité bien adaptée aux attentes des parents.

Tel est l'objet du projet de loi que vous allez examiner aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs, et que vous allez - j'en suis sûr - enrichir. Vous aviez été les premiers à l'adopter, il y a près d'un an, en première lecture. Je suis convaincu que vous saurez encore l'améliorer.

Je tiens à remercier le président de la commission des affaires sociales, M. Nicolas About, de la qualité de son écoute lors des débats, ainsi que M. André Lardeux, actuel rapporteur de ce texte. Je n'aurais garde d'oublier dans cet hommage M. Jean-Pierre Fourcade, lui qui a également contribué à améliorer ce texte, en sa qualité de précédent rapporteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler les principales orientations de ce texte.

Ce projet de loi vise à répondre, avant toute chose, aux difficultés rencontrées par les familles et leurs enfants dans des domaines bien distincts.

Il s'agit, en effet, d'aider les parents à surmonter les obstacles qu'ils rencontrent pour concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle. Il s'agit également de pallier temporairement les défaillances de familles, submergées par des difficultés de tout ordre, qui ne peuvent plus accompagner leur enfant.

Les assistants maternels et les assistants familiaux jouent un rôle majeur, les premiers dans la politique de la petite enfance, les seconds dans celle de la protection de l'enfance.

Quelques chiffres suffisent à prendre la mesure de ces deux activités.

Ainsi, 750 000 enfants de moins de six ans, dont près de des deux tiers ont moins de trois ans, sont aujourd'hui accueillis par 300 000 assistants maternels.

Ces professionnels, deux fois plus nombreux qu'en 1992, date de la dernière réforme de leur statut, inscrivent leur action dans les politiques locales d'accueil du jeune enfant. Leur rôle est indispensable puisque près de six enfants sur dix de moins de six ans vivent dans une famille où les deux parents travaillent.

Ce mode d'accueil séduit aujourd'hui un grand nombre de familles. Il permet à la fois une souplesse des horaires et une socialisation « en douceur » des jeunes enfants.

Pour ce qui est maintenant de la protection de l'enfance, les chiffres sont tout aussi éloquents : 65 000 enfants sont accueillis par 42 000 assistants familiaux.

Les assistants familiaux assurent le mode d'accueil privilégié des enfants séparés de leur famille, mode d'accueil qui représente plus de la moitié de l'ensemble des mesures d'hébergement pour l'enfant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la reconnaissance de ces professionnels a une incidence toute particulière sur la politique familiale.

Nombre de familles souhaitent avoir un autre enfant, mais elles renoncent à ce deuxième ou à ce troisième enfant tout simplement par crainte de ne pas avoir les moyens de le prendre en charge. Je ne peux me résoudre à cette situation, et d'autant moins que la France ne parvient pas à assurer le renouvellement des générations.

Ce sera d'ailleurs l'objet d'un des thèmes de la conférence de la famille qui se tiendra au mois de juin prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, n'ayons pas peur d'avoir une politique familiale ambitieuse !

Si, aujourd'hui, près de 20 % des jeunes enfants sont gardés par une assistante maternelle, ils sont 15 % à ne pas bénéficier encore d'un mode de garde identifié. Nous devons répondre à cette attente des parents.

Je voudrais replacer ce projet de loi dans le cadre de la politique d'accueil de la petite enfance.

Déjà le Gouvernement avait décidé, lors de la conférence de la famille de 2003, un ensemble de mesures destinées à développer l'offre d'accueil des enfants.

La mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, depuis le 1er janvier 2004, permet d'améliorer considérablement l'accès aux modes d'accueil individuels, notamment de celles des familles qui disposent de revenus moyens ou faibles.

Le crédit d'impôt pour frais de garde d'enfant, que le Parlement a adopté dans la loi de finances pour 2005, assure désormais une équité complète entre les familles, quel que soit leur niveau de revenu.

Ce texte vise aussi à mieux répondre aux besoins des familles et des enfants en souffrance.

Les assistants familiaux sont l'un des piliers du dispositif de l'aide sociale à l'enfance.

Je veux rendre ici hommage à toutes ces femmes - car ce sont presque toujours des femmes - et à toutes ces familles d'accueil qui assument dans la société ce rôle majeur trop souvent méconnu. Elles assurent au petit enfant la continuité d'attention, d'affection et de disponibilité lorsque ses parents sont provisoirement absents.

Je tiens aussi à souligner le rôle essentiel des départements. Au travers de l'aide sociale à l'enfance, ils contribuent à la qualité de l'accueil des enfants pris en charge par la protection de l'enfance. Je veux rendre hommage ici à tous les présidents de conseils généraux qui travaillent dans ce sens.

Cette double réforme vient compléter en profondeur un train de mesures lancé dès 1977 et réactualisé en 1992.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande aujourd'hui de franchir une nouvelle étape. La reconnaissance de ces deux professions - assistants maternels et assistants familiaux - passe désormais par une redéfinition des modalités d'agrément et par un renforcement des exigences en matière de formation.

Il est indispensable de faire évoluer les droits de ces professionnels vers le droit commun, notamment en matière de rémunération, de temps de travail, de congés et de garantie en cas de licenciement.

Comme vous le savez, ces propositions ont été largement discutées avec de nombreuses organisations syndicales et professionnelles représentant les assistants maternels, mais aussi leurs employeurs, l'Assemblée des départements de France, l'Association des maires de France et la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF. Je tiens à les saluer tous et à les remercier de leur participation active.

Ce projet de loi a d'ailleurs reçu un avis favorable du conseil d'administration de la CNAF ainsi que des conseils supérieurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez déjà voté en première lecture ce projet de loi, après l'avoir enrichi de nombreuses dispositions. Je suis certain que la Haute Assemblée contribuera, aujourd'hui encore, à rendre le dispositif plus efficace.

Je voudrais souligner ici les avancées significatives consacrées par ce texte.

Les dispositions relatives aux assistants maternels, qui permettent d'assurer une meilleure qualité du service, reposent sur l'agrément, son contrôle, la formation des professionnels et l'accompagnement et l'encadrement des relations entre parents et professionnels.

L'agrément doit constituer une garantie de sérieux et de sécurité. C'est ce à quoi vise le formulaire unique de demande d'agrément. Les candidats au métier d'assistant maternel seront agréés au vu de leurs capacités éducatives. J'ai souhaité que la maîtrise orale de la langue française soit une condition de délivrance de l'agrément.

La maîtrise de la langue française constitue, en effet, un gage de communication entre l'assistant maternel et les enfants ; elle représente un aspect essentiel du développement de ces derniers.

Il est, en outre, indispensable de former les assistants maternels à prendre de la distance par rapport à leur expérience personnelle de parents, afin qu'ils s'adaptent à la singularité de chaque enfant accueilli.

Des travaux menés en lien avec le ministère de l'éducation nationale vont permettre de mettre en place une nouvelle formation, dont la durée sera augmentée, menant à la délivrance d'un certificat d'aptitude professionnelle « petite enfance ». Par ailleurs, l'accès des assistants maternels à la formation professionnelle continue, instaurée par la loi du 4 mai 2004, et l'ouverture progressive des diplômes et des qualifications à la validation des acquis de l'expérience, favoriseront la professionnalisation et l'évolution de carrière.

Nous devons garantir aux parents qui leur confieront leur enfant que les assistants maternels seront des femmes et des hommes formés. Et cette garantie vaut presque davantage encore pour les assistants familiaux. Quand on voit partir son enfant pour la première fois de chez soi, il faut au moins avoir la garantie que la personne qui le prendra en charge est formée.

En outre, j'ai souhaité que les assistants maternels puissent bénéficier systématiquement d'une formation aux gestes de premiers secours avant de commencer leur activité.

Pour les assistants familiaux, le projet de loi prévoit une formation en deux temps : d'une part, un stage de préparation à l'accueil d'enfants sera organisé pour tout nouvel assistant familial par son employeur dans les deux mois suivant sa première embauche ; d'autre part, une formation d'adaptation à l'emploi sera délivrée au cours des trois premières années d'activité professionnelle. Cette formation conduira à la délivrance d'un diplôme, soit par des épreuves de certification, soit par la validation des acquis de l'expérience.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le second volet de ce projet de loi vise à améliorer les conditions de travail des professionnels de la petite enfance et de l'enfance, en tenant compte du caractère spécifique de leur activité.

S'agissant des assistants maternels, les améliorations en matière de droit du travail portent en premier lieu sur le contrat de travail, nouveauté également prévue par la nouvelle convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur. En deuxième lieu, elles portent sur la rémunération : l'assistant maternel sera rémunéré pour toute période d'accueil prévu dans le contrat de travail, même si l'enfant est absent.

Aujourd'hui, vous le savez, si une famille décide de ne pas envoyer son enfant, l'assistant maternel n'est alors pas payé. C'est une situation qui demande à être corrigée. Le projet de loi prévoit, par ailleurs, le passage d'une rémunération journalière à une rémunération horaire. C'est une véritable reconnaissance du travail effectué.

Enfin, en matière de temps de travail et de congés, les assistants maternels pourront bénéficier d'un repos quotidien de onze heures.

Plusieurs mesures sont proposées visant à améliorer le statut professionnel des assistants familiaux. Parmi celles-ci, je citerai la nouvelle définition de la structure de leur rémunération. Celle-ci se compose d'une partie correspondant à leur disponibilité et à l'accueil des enfants, quel qu'en soit le nombre et quel que soit le nombre de jours de présence - c'est la rémunération globale d'accueil - et d'une autre partie correspondant à l'accueil de chaque enfant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement a cherché à apporter des réponses concrètes - et justes - aux attentes des professionnels, mais aussi à celles des parents qui recourent aux services des assistants. Le Gouvernement a agi avec un souci de réalisme qui l'a conduit à ne pas alourdir les coûts ni pour les familles, ni pour les collectivités locales, ni pour la branche « famille » de la sécurité sociale.

Ce secteur d'activité, qui relève des services de proximité, est aussi un gisement d'emplois qui n'a d'égal en importance que le confort qu'il apportera à toutes les familles françaises, quels que soient leur département de résidence ou leur niveau de vie.

J'ajoute que nous souhaitons qu'une évaluation de la loi que vous allez voter, du moins je l'espère, soit réalisée dans les trois ans suivant son entrée en vigueur. C'est la nécessité du service « après vote » dont je parle souvent.

Il est de notre devoir, face à l'allongement de l'espérance de vie et au vieillissement de la population, de tout mettre en oeuvre pour faciliter les dispositifs susceptibles de favoriser les naissances et, par là même, le renouvellement des générations.

Il est vrai que le ministère des solidarités, de la santé et de la famille consacre les deux tiers de son activité aux déments séniles, au personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer, aux maisons de retraite, aux journées nationales de solidarité, au vieillissement de la population et aux personnes âgées. C'est bien, c'est même formidable que nous puissions ainsi être au rendez-vous. Cependant, l'Union européenne et la France en particulier n'auront pas d'avenir sans renouvellement des générations. De tous les pays de l'Union européenne, ce sont ceux qui, à l'instar de la France, mènent une vraie politique familiale qui connaissent les plus forts taux de fécondité et de croissance démographique.

Il n'est pas acceptable qu'un pays puisse laisser dériver sa démographie et baisser son taux de fécondité. Pourquoi la croissance économique de l'Union européenne est-elle inférieure de 1, 5 % à celle des Etats-Unis ? La raison en est que notre continent compte moins de jeunes et moins d'enfants, et je ne parle pas de la Chine ou de l'Inde. Il n'est pas possible de ne pas évoquer ici le pacte européen de la jeunesse, cher au Président de la République.

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