Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France se singularise en Europe et, plus généralement, au sein du monde développé, par son taux de natalité et par le soin qu'elle porte à l'accueil des jeunes enfants. Les 765 000 bébés nés l'an dernier - ce qui représente un taux de fécondité de 1, 9 enfant - démontrent les effets positifs de notre politique familiale, dont l'origine remonte à la Libération. Certes, et je rejoins ici votre préoccupation, monsieur le ministre, 80 000 naissances supplémentaires auraient été nécessaires pour mieux assurer l'avenir du pays.
Au-delà de l'action classique en faveur des familles, cette spécificité française trouve aussi son origine, comme en Suède, dans les mesures visant à permettre aux femmes de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Le projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux, que nous examinons aujourd'hui en seconde lecture, trouve ainsi tout son sens.
Sous la conduite de Jean-Pierre Fourcade, qui était son rapporteur en première lecture, le Sénat avait recherché - et trouvé, me semble-t-il - un point d'équilibre satisfaisant entre l'intérêt de l'enfant, qui doit primer tous les autres, les besoins des familles, dont nous connaissons l'ampleur, et l'amélioration, incontestablement nécessaire, des conditions de travail des assistants maternels et des assistants familiaux.
Or les modifications adoptées par l'Assemblée nationale ayant altéré cet équilibre, il appartient à la navette parlementaire de rapprocher les points de vue et de concilier des objectifs parfois contradictoires. Je ne doute pas qu'elle y parviendra.
Le Sénat a, bien sûr, approuvé l'objectif visant à mieux distinguer les professions d'assistant maternel et d'assistant familial : il est légitime de séparer clairement ces deux métiers, qui ne répondent pas aux mêmes besoins et qui s'appuient sur des critères d'agrément distincts. Cependant, tous deux nécessitaient un plus haut degré de professionnalisation par le renforcement de la formation des personnes qui les exercent.
Sur ce volet, les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont été minimes et portent sur trois points, à savoir, d'abord, les missions des relais assistants maternels, ou RAM - que le Sénat avait introduites dans le texte -, ensuite, la procédure et les critères d'agrément des professionnels, enfin, les modalités de mise en oeuvre de leur formation.
Les RAM sont des structures utiles. Elles apportent aux assistants maternels des informations en matière de droit du travail et les accompagnent dans leurs fonctions. Conscient de l'intérêt de ces lieux de rencontre, le Sénat avait même souhaité en rendre l'accès possible aux assistants parentaux qui gardent les enfants au domicile des parents et qui, de ce fait, sont parfois isolés. L'Assemblée nationale est revenue sur ces points ; nous pensons que c'est une erreur.
Je ferai la même observation sur les conditions de délivrance de l'agrément des assistants. En effet, plusieurs modifications adoptées par l'Assemblée nationale nous semblent devoir être corrigées.
Je pense, en premier lieu, à la procédure d'agrément et au suivi des pratiques professionnelles, que l'Assemblée nationale a désormais confiés à une équipe pluridisciplinaire qui devra comprendre un assistant maternel ou un assistant familial n'exerçant plus. L'idée est a priori séduisante. Je crois toutefois qu'elle va à l'encontre du rôle de la protection maternelle et infantile, qui en est chargée pour les assistants maternels, et de celui des employeurs des assistants familiaux, qui assurent aujourd'hui le suivi professionnel de ces personnels.
Notre commission n'a pas davantage été convaincue par l'idée de raccourcir, pour les assistants maternels comme pour les assistants familiaux, les délais de notification des décisions d'agrément à trois mois et de prévoir que l'absence de réponse dans ces délais vaut décision de refus. D'abord, il faut laisser au service de protection maternelle et infantile le temps d'étudier les dossiers avec attention ; ensuite, le respect du demandeur incite à considérer que l'agrément doit être réputé acquis sans réponse formelle à l'échéance.
Il existe un deuxième point délicat. Selon l'Assemblée nationale, les critères d'agrément doivent être fixés par décret au niveau national. Pour sa part, notre commission s'est prononcée pour une organisation départementale de ces professions et donc pour une adaptation des critères aux réalités locales.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale - et c'est une troisième nouveauté - a souhaité que le bulletin n° 3 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du candidat soit versé au dossier de demande d'agrément.
Je comprends et partage l'objectif de protection de l'enfance ici fixé. Toutefois, il nous semble que l'utilisation de ces informations par le service de protection maternelle et infantile doit être encadrée. A cet effet, nous proposerons que le refus d'agrément ne soit automatique que si le casier judiciaire révèle des infractions commises sur les personnes, mais pas forcément dans tous les autres cas.
Enfin, sans doute à la suite d'un malentendu, la formation des assistants maternels - mais pas celle des assistants familiaux - a été confiée aux régions. Compte tenu de l'organisation départementale de cette profession et du caractère spécifique de sa formation, vous comprendrez, mes chers collègues, que la logique nous conduise à revenir à la rédaction issue des travaux du Sénat.
Sur ce premier volet du texte, les modifications n'ont donc été que marginales. Il n'en va pas de même pour les dispositions consacrées au droit du travail. La remise en cause de la quasi-totalité des apports sénatoriaux sur ces articles, apports qui, l'an dernier, avaient pourtant fait l'objet, monsieur le ministre, d'un travail approfondi avec votre prédécesseur, Marie-Josée Roig, a changé la physionomie du texte, singulièrement au détriment des familles. Je vous présenterai donc plusieurs amendements visant à trouver des rédactions de compromis acceptables.
Nous approuvons naturellement les avancées que permet le projet de loi au bénéfice des assistants maternels et des assistants familiaux ainsi que le renforcement de leur statut juridique, par rapprochement avec le droit commun du code du travail.
Toutefois, cette deuxième lecture intervient dans un contexte juridique totalement nouveau, qui ne laisse que peu de place à l'initiative parlementaire. En effet, la convention collective nationale des assistants maternels, qui était encore en cours de négociation lors de notre première lecture, a fait l'objet d'un accord entre les partenaires sociaux le 1er juillet 2004.
Celui-ci, le premier du genre, a été étendu par un arrêté du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale le 28 décembre 2004 ; la convention collective est donc entrée en vigueur le 1er janvier de cette année et constitue, par là même, déjà, une source de droit.
Notre commission a regretté que cette procédure d'extension soit intervenue avant la fin du présent processus législatif.