Intervention de André Lardeux

Réunion du 30 mars 2005 à 15h00
Assistants maternels et assistants familiaux — Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de André LardeuxAndré Lardeux, rapporteur :

Il aurait été juridiquement plus normal que la loi soit d'abord votée : les partenaires sociaux auraient ensuite eu tout le loisir de la compléter et de l'adapter.

Le ministre du travail a fait le choix opposé, ce qui ne pose aucun problème sur le plan de la légalité et n'est pas un cas de figure entièrement inédit. Mais ce choix nous impose des sortes d'oeillères sur une partie du débat parlementaire, qui plus est sur des questions aussi importantes que la rémunération des assistants maternels, leurs vacances ou leurs horaires de travail. Je rappelle, en effet, qu'en droit du travail le « principe de faveur » permet de porter un certain nombre d'atteintes à la hiérarchie classique des normes juridiques.

J'observe, enfin, que l'extension déjà acquise de la convention constitue une source de confusion, et ce pour trois raisons.

En premier lieu, deux articles au moins du projet de loi ne correspondent pas aux termes de l'accord conclu entre les partenaires sociaux.

En deuxième lieu, la convention collective est parfois mal rédigée et peut susciter des problèmes d'interprétation.

En troisième lieu, dans cette précipitation, le Gouvernement n'a pas modifié certaines dispositions réglementaires relatives à la rémunération des assistants maternels qui auraient dû être revues avant que la convention collective ne s'applique.

Les amendements que je vous présenterai visent dons trois objectifs.

Il s'agit, premier objectif, d'harmoniser la convention collective et le projet de loi. C'est ce que nous proposerons sur les questions liées à la rémunération de l'assistant familial en cas d'absence de l'enfant gardé, aux congés des assistants maternels et à la définition des indemnités et des fournitures à verser aux assistants familiaux.

Il s'agit, deuxième objectif, de privilégier une approche souple des conditions de travail pour faciliter l'application des textes.

Plusieurs modifications votées par l'Assemblée nationale me paraissent susceptibles de rigidifier inutilement les règles. Je pense au transfert du contentieux des contrats de travail des assistants maternels vers les conseils de prud'hommes, qui risque d'allonger encore les délais de jugement. Je pense aussi au nouveau décret censé définir une norme nationale en matière d'indemnités et de fournitures, ce qui ne répond pas à l'esprit des lois de décentralisation.

Enfin, la question des congés des assistants familiaux, que nous avions réglée en instituant à leur profit un compte épargne-temps - très bien reçu par les professionnels, d'ailleurs - a été inutilement rendue plus complexe : il convient, à notre sens, de s'en tenir à la version initiale du Sénat.

Il s'agit enfin, troisième objectif, de veiller à l'équilibre entre les revendications légitimes des assistants maternels et les attentes tout aussi légitimes des familles.

J'approuve naturellement le fait que le projet de loi permette de satisfaire une large part des aspirations des assistants maternels.

Je souhaite, néanmoins, que les besoins des familles soient davantage pris en compte, notamment en termes d'horaires de travail. Dans notre pays, 81 % des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans ont une activité professionnelle. Concilier vie familiale et vie professionnelle suppose, pour les familles, de pouvoir faire garder leurs enfants, non seulement pendant leurs propres horaires de travail, mais également durant le temps de trajet entre leur domicile et leur lieu de travail.

Cela signifie que les horaires des assistants maternels doivent forcément présenter la souplesse nécessaire : c'est là l'une des contraintes inhérentes à cette profession. Une enquête réalisée par l'INSEE en 2002 avait d'ailleurs mis en évidence la forte proportion d'assistants maternels - plus d'un tiers - travaillant au-delà de 50 heures par semaine parce qu'ils sont conscients des exigences du service qu'ils rendent aux familles.

Pour résoudre cette difficulté, le Sénat avait institué un mécanisme de forfait annuel, malheureusement supprimé par l'Assemblée nationale, consistant à laisser aux parties le soin de définir ensemble leurs horaires, en respectant une moyenne hebdomadaire de travail de 48 heures et un plafond annuel de 2 250 heures. Ce dispositif, dans la mesure où il suppose l'accord du salarié, est parfaitement compatible avec la réglementation européenne du temps de travail.

Des surcroît, je ne pense pas que la situation réelle de l'emploi, c'est-à-dire le niveau de l'offre et de la demande en matière de garde de jeunes enfants, place forcément l'assistant maternel dans une position de fragilité pour la négociation de ses horaires avec la famille.

Enfin, je souhaite que nos débats nous permettent, monsieur le ministre, d'obtenir des éclaircissements sur plusieurs points devenus ambigus en matière de rémunération et d'horaires de travail des assistants maternels.

Je pense, tout d'abord, au remplacement de la notion d'« unité de temps » par celle d'« heure » pour calculer la rémunération des assistants maternels : pouvez-vous nous confirmer que cette modification rédactionnelle n'obligera pas les familles à payer au SMIC horaire chaque heure travaillée, pour chaque enfant gardé, ce qui dépasserait les limites financières accordées par la PAJE ?

Peut-on savoir quand seront modifiées les dispositions réglementaires de l'article D. 773-1-1 du code du travail devenues incompatibles avec la convention collective entrée en vigueur le 1er janvier dernier ?

La question des conditions dans lesquelles les familles pourront recourir aux heures supplémentaires est tout aussi fondamentale.

Il s'agit, en fait, de la « soupape de sécurité » de l'ensemble du dispositif, dans la mesure où, en quelques mois seulement, la réglementation des horaires des assistants maternels a radicalement changé et s'est considérablement alourdie.

Il me semble donc légitime que nous sachions quelles sont les grandes lignes du prochain décret à paraître. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer que ces heures supplémentaires ne feront pas l'objet d'un contingentement additionnel et ne seront donc limitées que par l'application des règles de droit commun sur les onze heures consécutives de repos quotidien, d'une part, et la journée de repos hebdomadaire, d'autre part ?

Je pense aussi à la réglementation singulièrement complexe des horaires des assistants maternels, si l'on juxtapose le présent texte, la convention collective, la directive européenne du 23 novembre 1993 et le décret, dont la parution est attendue, sur les heures supplémentaires dont je parlais à l'instant.

Cela me conduit, monsieur le ministre, à vous demander comment on doit interpréter la dérogation, prévue par la directive européenne, pour la « main-d'oeuvre familiale » ?

Je m'interroge également sur le sens à donner à certaines dispositions de l'accord entre les partenaires sociaux. La question se pose, en particulier, pour les définitions respectives des « heures majorées » et des « heures complémentaires » qui figurent dans cette convention collective, mais ne sont pas explicitées. En quoi sont-elles différentes des heures supplémentaires ?

La « durée conventionnelle de l'accueil de 45 heures par semaine » est-elle une notion fondamentalement différente de la durée légale du travail ? Sert-elle uniquement de déclencheur pour le paiement des « heures majorées » ?

Vous l'avez compris, l'accumulation de ces termes nouveaux, aux contours flous, me laisse perplexe et je ne voudrais pas que chacun choisisse de se référer à celui qui l'arrange le mieux et que l'entrée en vigueur de la convention collective ne se traduise par une nouvelle augmentation de la conflictualité.

Il y a fort à craindre que les familles auront également besoin de mieux comprendre le cadre juridique, en pleine mutation, du droit du travail des assistants maternels. Cela justifierait, je crois, monsieur le ministre, le lancement d'une campagne d'information.

Pour conclure, ce texte comporte d'indéniables avancées, attendues depuis longtemps par les professionnels du secteur. Il vient compléter les textes fondateurs de 1977 et 1992 et confirmer la spécificité française d'un statut proche du salariat pour les assistants maternels et les assistants familiaux.

Mais notre commission maintient son souhait d'équilibrer les demandes des différentes parties prenantes et de mieux prendre en compte les besoins des enfants et des familles.

Pour ces raisons, elle vous propose d'adopter ce projet de loi, complété par les amendements que je vous présenterai en son nom dans quelques instants.

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