Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura fallu attendre dix mois pour que ce texte, important, revienne devant notre assemblée, après son adoption en première lecture par le Sénat.
« Important » n'est pas pour moi un vain mot, tant le recours à une assistante maternelle reste le mode de garde le plus répandu pour les enfants de moins de trois ans ; d'ailleurs, il n'a cessé de se développer ces dernières années.
A l'heure actuelle, dans notre pays, 300 000 assistants maternels et 45 000 assistants familiaux attendent un véritable statut, après avoir longtemps vécu dans un flou juridique qui les a pratiquement maintenus en marge du droit du travail, ce qui a favorisé la précarité.
La révision du statut de ces professionnels est donc très attendue. Inscrire plus rapidement ce texte à l'ordre du jour aurait été un message fort en direction de ces personnes, depuis trop longtemps victimes d'un manque de considération et de reconnaissance. Nous savons que la profession sera, dans les années à venir, un gisement important de création d'emplois, pour les femmes, mais aussi pour les hommes, encore insuffisamment présents dans ce secteur d'activité.
Depuis le 1er janvier 2005, la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur est entrée en vigueur ; elle reprend, en matière de contrat de travail, de mensualisation de la rémunération, de congés payés et de caisse de prévoyance, des dispositions figurant dans le texte que nous examinons.
Les choses sont, hélas, faites dans le désordre. La loi pose, en effet, des principes, définit un cadre, et permet que les textes qui s'en inspirent ne la trahissent pas. La convention, elle, entre dans le détail une fois la loi votée. C'est l'inverse dans le cas présent. Comment aurait-il pu en être autrement devant un tel manque d'empressement de la part du Gouvernement ? Nous nous réjouissons, toutefois, que ce texte, dont nous commencions à craindre qu'il ne soit tombé dans l'oubli, soit enfin examiné.
L'Assemblée nationale lui a apporté des modifications significatives, dont, certaines très intéressantes, correspondent d'ailleurs à des amendements que nous avions proposés ici même, mais qui avaient été rejetés.
Ainsi, les assistants familiaux pourront désormais accueillir les enfants qui leur sont confiés jusqu'à vingt et un ans, contre rémunération, comme nous l'avions proposé.
Pour les assistants maternels, les critères d'agrément seront nationaux. Cela satisfait notre demande d'évaluation de façon identique des candidats sur tout le territoire, la notion de « capacité éducative », très subjective, pouvant varier d'un département à l'autre. Par souci d'égalité, nous proposerons un amendement visant à étendre cette mesure aux assistants familiaux.
Le montant des indemnités et fournitures attribué à ces derniers sera désormais fixé de manière uniforme dans tout le pays. C'est une excellente chose, car les disparités étaient très significatives.
En revanche, pour ce qui est de l'indemnité d'entretien versée aux assistants maternels, d'après ce que beaucoup de ces professionnels m'ont dit, un calcul auprorata serait souhaitable.
Des améliorations au dispositif ont aussi été apportées en matière de formation. Nous y sommes favorables, car l'absence de qualification a toujours pesé sur la reconnaissance de ces métiers. Cette formation devra être qualifiante ou diplômante, et établie selon des critères nationaux. En outre, comme nous l'avions demandé, une formation au secourisme sera désormais obligatoire.
De plus, pendant les temps de formation, le département devra prévoir un mode de garde de substitution adapté aux horaires des parents. Il n'y aura donc plus d'obstacle à la formation.
Toutefois, nous proposerons un amendement visant à faire relever intégralement des conseils généraux la formation, qu'elle soit initiale ou continue, afin d'éviter de regrettables dysfonctionnements.
Les contentieux liés aux relations contractuelles entre l'assistant maternel et son employeur relèveront désormais du conseil de prud'hommes.
Nous y voyons une avancée majeure, que nous avions également demandée, et une forme de respect, saluée par les intéressés comme une marque de reconnaissance à l'égard de leur profession.
Si l'on veut rapprocher le statut de ces professions du droit du travail, il faut aussi permettre que les litiges survenus dans le cadre de leur exercice soient examinés dans les mêmes conditions que pour n'importe quel autre salarié de droit privé.
Sans cela, nous pourrions douter de l'efficacité réelle de toutes les nouvelles mesures. Les assistants maternels ne seraient ni plus écoutés ni plus défendus qu'aujourd'hui, et resteraient confinés dans la précarité de leur poste.
Enfin, les députés ont voté une disposition permettant aux assistants maternels de bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives. Nous y sommes favorables, car un vrai repos ne peut pas être pris de manière fractionnée.
S'il en allait autrement, on ignorerait la difficulté du travail des assistants maternels, et on dégraderait la qualité de l'accueil des enfants. Toute personne doit pouvoir se reposer de manière continue ; le repos n'est pas réel s'il est discontinu. Cette mesure est donc un nouveau témoignage de respect à l'égard de la profession.
Les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale ne vont pourtant pas toutes dans le bon sens. C'est ainsi que, s'agissant de la notification des décisions d'agrément des assistants maternels, le silence du département dans un délai de trois mois vaut, désormais, refus.
Nous proposerons un amendement visant à rétablir les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture pour que le silence de l'administration vaille acceptation. En effet, aux termes de la rédaction actuelle, il suffirait qu'un président de conseil général décide de ne pas répondre dans les délais pour éviter d'avoir à justifier sa décision, ce qui serait totalement inacceptable. De plus, un candidat remplissant les conditions requises, notamment d'aptitude, pourrait être pénalisé par une négligence de l'administration, ce qui serait tout aussi inacceptable.
Pour ne pas décevoir les attentes immenses des professionnels aussi bien que de leurs employeurs, nous avons déposé plusieurs autres amendements.
Il est, en effet, regrettable que de trop nombreuses dispositions soient prises systématiquement par décret. Cela nuit à la lisibilité du statut. Mis à part le secourisme, nous ne savons toujours rien du contenu des formations et de leur taux de rémunération. Nous ne savons pas non plus si la qualification obtenue aura ou non une valeur nationale.
De même, la validation des acquis de l'expérience est absente du texte. C'est pourtant un point essentiel.
Nous ne savons rien non plus du niveau des salaires, et de leur éventuelle uniformisation sur tout le territoire.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter les réponses qui nous font défaut ?
De même, nous regrettons que des questions importantes concernant à la fois les assistants maternels et les assistants familiaux ne soient toujours pas prises en compte. Il s'agit notamment du droit syndical, des retraites et, en particulier, de la validation des périodes travaillées avant 1992.
La question du financement, quant à elle, reste obscure. De nombreuses mesures de ce projet de loi seront, en effet, à la charge supplémentaire des parents employeurs et, surtout, des conseils généraux. Pourront-ils y faire face ? L'Etat a-t-il prévu des compensations ? Lesquelles ? Nous attendons toujours l'étude d'impact et le chiffrage du coût d'application des mesures proposées.
Monsieur le ministre, ce que les assistants maternels et les assistants familiaux espèrent, c'est un véritable statut et la considération et le respect qu'ils méritent, car ils assument une mission difficile, qui comporte de grandes responsabilités. Ces responsabilités ne doivent toutefois pas leur ôter toute possibilité d'initiative et les réduire au rôle de simples exécutants. Pour nous, ils sont des professionnels de l'enfance à part entière, et doivent être considérés comme tels.
Le projet de loi répond en partie à leurs attentes, mais sans aller encore assez loin et, comme je le disais précédemment, trop d'articles nous renvoient à des décrets. Des incertitudes demeurent, et des aspects de leur profession n'ont pas été pris en compte. C'est pourquoi nous ne pouvons voter ce texte en l'état.