Intervention de Valérie Létard

Réunion du 30 mars 2005 à 15h00
Assistants maternels et assistants familiaux — Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

La seconde lecture d'un texte jugé de prime abord mineur est souvent considérée comme une formalité, car ne restent en général en discussion que quelques articles, sur lesquels un accord entre les deux assemblées peut toujours se dégager.

La seconde lecture du projet de loi relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux risque d'échapper complètement à ce schéma consensuel.

Comme l'a excellemment souligné M. le rapporteur, l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale a fait disparaître l'équilibre que notre Haute assemblée avait tenté d'instaurer dans ce texte. C'est particulièrement vrai des dispositions portant sur les conditions d'exercice des assistants maternels. Je souhaite mettre l'accent sur cette profession.

Tout à son objectif - calquer à tout prix la situation des assistants maternels sur celle des salariés du secteur privé de droit commun -, l'Assemblée nationale a revisité de nombreuses dispositions que la commission des affaires sociales du Sénat s'était efforcée de rendre équitables, tant pour les familles que pour les salariés.

Notre point de départ commun n'a jamais varié : comment professionnaliser une activité qui a été pendant trop longtemps ignorée ? Cette activité se situait, en effet, à la frontière de la sphère privée, hors du champ du travail, dont la référence est l'entreprise, le bureau.

Comment faire en sorte que ce métier à part entière profite d'une meilleure connaissance de la petite enfance, que les professionnels soient formés, que les familles puissent leur confier un enfant en étant pleinement rassurées sur les conditions d'une garde assurée pendant un temps souvent très long ?

Lors de la première lecture, nous nous étions préoccupés à juste titre de donner aux assistants maternels une relation de travail la plus stable possible en rendant le contrat de travail écrit obligatoire, en encadrant les obligations des uns et des autres en matière de rémunération, de congés, d'indemnités d'entretien et de fournitures.

Nous avions cherché à être le plus précis possible quand cela paraissait opportun. Je pense, par exemple, à l'amendement que j'avais proposé à l'article 13, prévoyant que le contrat de travail fasse référence à la décision d'agrément délivrée par le président du conseil général et à la garantie d'assurance souscrite par les intéressés. Je me félicite que la commission ait choisi de réintroduire cette précision.

Mais nous avions aussi été attentifs à faire en sorte que le texte conserve un maximum de souplesse, car ce métier, tout en étant une profession à part entière, a aussi ses spécificités, qui ne se réduisent pas toutes facilement à l'application du droit commun du travail.

Notre groupe était en particulier sensible au fait que les familles qui recourent aux services d'une assistante maternelle appartiennent en majorité à ces classes moyennes dont tous les partis ont mis en avant, depuis, la fragilité et le risque de précarisation.

C'est pourquoi j'avais également déposé un amendement à l'article 24, qui visait à éviter de faire supporter à ces familles le coût financier d'un retrait d'agrément dont elles n'étaient, par définition, pas responsables, puisque la décision est prise par le département.

Depuis notre discussion de première lecture, les choses ont beaucoup évolué et ce, me semble-t-il, un peu trop à sens unique.

Plusieurs raisons peuvent sans doute l'expliquer. Ainsi, il est vraiment regrettable que la négociation de la convention collective se soit achevée et que cette dernière ait été étendue avant même que le projet de loi ne soit définitivement adopté.

M. le rapporteur a désigné très précisément les difficultés de la nouvelle rédaction de l'article 16 et l'ambiguïté qui en résulte dans l'évaluation de la rémunération horaire des assistants maternels.

Estimant que la référence à la notion d'« unité de temps » adoptée dans le texte que nous avions voté en première lecture était plus satisfaisante, notre groupe a déposé un amendement qui vise à la réintroduire. Le flou entre heures complémentaires, heures supplémentaires et heures majorées, n'a en effet dans l'immédiat qu'une seule conséquence : rendre la garde d'un enfant plus onéreuse à partir de la quarante-sixième heure d'accueil hebdomadaire.

Une fois de plus, ce sont les familles dont les parents ont les temps de transport les plus longs qui sont touchées. Or ce sont en général ces mêmes parents qui perçoivent les salaires les plus modestes et qui habitent le plus loin de leur lieu de travail, à la périphérie des villes. Ce sont ces familles qui devront consentir un effort financier supplémentaire. Tout cela est-il bien équitable ?

De la même manière, notre groupe s'est longuement interrogé sur le dispositif prévu en cas de retrait ou de suspension d'agrément. Là encore, il nous a semblé que la solution proposée mettait la protection supplémentaire accordée à l'assistant maternel à la charge des familles, alors même que ces dernières se trouvent largement pénalisées par une décision qui leur échappe totalement.

Comment une famille pourra-t-elle à la fois financer une indemnisation pendant les quatre mois de suspension de l'agrément de son assistante maternelle ou faire face aux indemnités légales de licenciement et recourir aux services d'une autre personne ? Cela pourrait mettre en difficulté des familles modestes : cela non plus n'est pas équitable.

Voilà pourquoi notre groupe a déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 24.

On objectera sans aucun doute que nous mettons une dépense supplémentaire à la charge des départements. Je répondrai par anticipation que, lors de la réunion de notre groupe, tous les présidents de conseil général présents - et ils sont éminents - sont tombés d'accord sur le bien-fondé de cette proposition.

Telles sont, monsieur le ministre, les observations que le groupe de l'Union centriste-UDF souhaitait formuler à l'occasion de la deuxième lecture de ce projet de loi.

Nous avons bon espoir que la Haute Assemblée, dans sa grande sagesse, redonne à ce texte un plus grand équilibre entre les attentes légitimes des assistantes maternelles et les capacités contributives des familles.

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