Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la profession d'assistant maternel permanent s'inscrit dans un contexte assez particulier, puisqu'elle s'exerce sur le lieu de vie. Aussi mon propos portera-t-il, pour cette deuxième lecture, sur ce qu'il est convenu d'appeler les assistants familiaux.
Lorsqu'une problématique parentale suffisamment grave persiste, les familles d'accueil restent les principaux animateurs du dispositif de placement. Au cours de la dernière décennie, la société en général et la situation des cellules familiales en particulier ont évolué. De ce fait, la profession a sans cesse dû s'adapter, et il n'était que justice de refonder les lois existantes pour lui offrir enfin un véritable statut. Au-delà des déclarations d'intention, monsieur le ministre, ce projet de loi tant attendu peut-il permettre d'accroître de manière concrète l'attractivité de ce métier ?
La récente lettre de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, consacrée à l'Acte II de la décentralisation, contient ce commentaire en forme de conclusion :
« Le paysage de la décentralisation continue donc à évoluer. C'est pourquoi il est urgent maintenant de préciser le projet politique de chaque domaine d'intervention pour pouvoir impliquer tous les partenaires concernés. Mais cela ne sera possible que si l'Etat parvient à clarifier rapidement les contours et les objectifs des réformes en cours, sous peine de briser l'élan volontariste des acteurs locaux. »
A cet égard, le conseil général du Pas-de-Calais mène depuis longtemps une politique de l'aide sociale à l'enfance volontariste et ambitieuse. La loi du 13 août 2004 a transféré aux départements le Fonds de solidarité pour le logement, le Fonds d'aide aux jeunes, les centres locaux d'information et de coordination et les services départementaux d'incendie et de secours. Viendront bientôt s'ajouter à cette liste les personnels techniciens, ouvriers et de service de l'éducation nationale, les TOSS, et la voirie nationale.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit tout à l'heure qu'il importait de ne pas alourdir les coûts supportés par les collectivités territoriales. Pourtant, l'extension des compétences de ces dernières en matière d'assistance matérielle et familiale suscitera immanquablement une dépense supplémentaire, d'où notre question : sachant que le Gouvernement ne souhaite pas briser l'élan volontariste des acteurs locaux, envisage-t-il de compenser par le biais d'une loi de finances rectificative les charges nouvelles qu'induira la mise en oeuvre des dispositions de ce projet de loi ?
Pour l'essentiel, les interventions de mes collègues, hormis celle de Mme Campion, ont porté davantage sur les assistants maternels que sur les assistants familiaux, ce qui me navre quelque peu. Le projet de loi semble d'ailleurs être fait pour les premiers, au détriment des seconds. Les prestations assurées par ces deux professions sont différentes et ne s'adressent pas aux mêmes publics, même s'il existe des points communs.
Par exemple, les assistants familiaux souhaitaient être reconnus comme des partenaires à part entière. Or le texte que nous examinons aujourd'hui ne comporte aucun article qui les identifie ou les valorise comme tels. L'Assemblée nationale a bien introduit un nouvel article préconisant d'intégrer un assistant maternel ou familial dans l'équipe pluridisciplinaire chargée du suivi de la pratique professionnelle, mais il semble bien que cette disposition doive, elle aussi, disparaître !
Bien que, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, les assistants familiaux soient les piliers du dispositif de placement et qu'il ne puisse y avoir d'accueil familial sans eux, ils resteront cantonnés dans un rôle de subordonnés.
Evoquant une « adaptation des critères aux réalités locales », M. le rapporteur proposera aussi de maintenir ce que nos collègues députés, reprenant en somme l'analyse de Mme Claire Brisset, avaient qualifié, avec juste raison, de « critères très disparates et très inégalitaires selon les départements ». J'ai d'ailleurs encore en mémoire l'accueil réservé à la Défenseure des enfants, dont le seul tort était probablement de présenter un rapport « inopportun » et dérangeant.
Pourtant, peut-on honnêtement contester l'harmonisation nationale des critères d'agrément ou du montant des indemnités et fournitures tout en affirmant que l'on approuve les avancées du projet de loi et le renforcement du statut de la profession ?
En outre, l'argument de la décentralisation est tout de même assez fallacieux : elle n'a jamais empêché de voter et d'appliquer des mesures d'équité valables sur tout le territoire, d'autant que l'autre source de précarité était la remise en cause périodique des critères d'agrément.
Comme l'ont rappelé tout à l'heure plusieurs de nos collègues, le Sénat avait adopté, s'agissant des demandes d'agrément, le principe du maintien d'un délai de quatre mois pour la notification de la décision du président du conseil général, l'agrément étant réputé acquis en l'absence de réponse dans ce délai. L'Assemblée nationale a préféré inverser ce schéma en prévoyant, pour les deux professions, que, à défaut de notification d'une décision dans un délai de trois mois, l'agrément serait réputé refusé.
Nous demanderons, par voie d'amendement, l'instauration d'un délai de notification de six mois pour les assistants familiaux, avec agrément tacite en cas de non-réponse.
Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, est encore éloigné des aspirations des assistants familiaux, et j'ai la nette impression que l'on cherche à restreindre encore sa portée ! J'avoue ma perplexité : la navette parlementaire me fait plus penser à l'ouvrage de Pénélope qu'à l'élaboration d'un texte achevé, et ce même si l'on va vers une certaine professionnalisation du métier d'assistant familial, en le rapprochant par exemple du droit commun. Les nouvelles mesures ne permettront pas de sortir les 42 000 assistants familiaux de la précarité et ne seront pas suffisamment incitatives pour assurer la couverture des besoins exprimés.
Jugeant que ce texte ne va pas assez loin, le groupe socialiste et apparentés s'abstiendra donc, monsieur le ministre.