Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous prenons acte de la stabilisation des crédits de la mission « Aide publique au développement ».
Depuis cinq ans, la hausse a été forte. Après les déconvenues essuyées au Sahel, cette pause doit être l’occasion de nous interroger sur les efforts accomplis : qu’est-ce qui a fonctionné, qu’est-ce qui a échoué ? À cet égard, les travaux de la commission d’évaluation de l’aide au développement nous seraient bien précieux, madame la ministre ! Il faut sortir de cette crise insensée et mettre enfin en place cette commission d’évaluation.
Par ailleurs, nous avons pris connaissance avec étonnement des conclusions du conseil présidentiel du développement et du Cicid, qui se sont réunis l’été dernier. Certaines sont incompatibles avec les dispositions de la loi du 4 août 2021, adoptée à l’unanimité par le Sénat.
Nous y avions introduit, dès l’article 2, et avec la volonté expresse de recentrer notre aide sur l’essentiel, trois objectifs majeurs, relatifs à la part des dons, à la part de l’aide bilatérale et surtout au ciblage des pays prioritaires. Or nous avons la fâcheuse impression que ces dispositions ont été ignorées. Ainsi, le Cicid a remplacé notre vingtaine de cibles prioritaires par un agrégat regroupant les pays les moins avancés, les PMA, et des pays « vulnérables » non encore définis.
Nous y voyons un risque majeur de dilution et de saupoudrage, car pour le moment, seulement 13 % de notre aide programmable est au bénéfice des pays prioritaires, quand la loi prévoit 25 % pour 2025.
J’entends que nous y gagnerons en souplesse pour soutenir des pays selon les priorités du moment. Mais le nouvel objectif prévoit en creux que 50 % de l’effort financier de l’État pourra bénéficier aux pays à revenu intermédiaire ou émergents. N’est-ce pas là mettre au second plan les impératifs de lutte contre la pauvreté extrême et d’amélioration de la santé publique et de l’éducation dans les pays les plus défavorisés ?
À côté de ces interrogations, je soulignerai inversement plusieurs sujets de satisfaction pour notre commission, dont les préoccupations maintes fois réaffirmées ont été entendues.
D’abord, le contrôle de l’AFD a été renforcé à l’échelon central comme local, sous l’effet du rôle accru confié aux ambassadeurs dans le choix des projets – c’est une très bonne chose, nous le demandions depuis longtemps.
L’activité annuelle de l’Agence a en outre été plafonnée à 12 milliards d’euros, ce qui met fin à une course en avant qui nous a parfois éloignés des fondamentaux de cette politique.
Dès lors, il n’est pas étonnant, et c’est un autre sujet de satisfaction, que la Chine et la Turquie ne figurent plus parmi les tout premiers destinataires de l’aide.
Ensuite, les financements humanitaires atteignent un niveau comparable à celui de nos partenaires, ce qui permet de faire davantage porter la voix de la France lors des crises.
Enfin, le nouveau programme 365 reçoit, pour la première fois, des financements récupérés sur des biens mal acquis, voués à revenir à la Guinée équatoriale.
L’ensemble de ces points positifs et le fait que l’ambition de notre politique de solidarité internationale se maintienne à un niveau élevé en 2024 expliquent que, malgré les insatisfactions que j’ai soulignées, notre commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ».