Bravo, monsieur le ministre ! Jamais le budget n’aura autant augmenté ; une hausse de 38 % en autorisations d’engagement et de 23 % en crédits de paiement, c’est tout simplement spectaculaire !
Si certains agriculteurs peuvent apprécier le spectacle, tous aiment avant tout le réalisme et le pragmatisme. La planification écologique est largement servie par cette hausse ; nous ne voyons pas cela d’un mauvais œil, au contraire, car nous sommes habitués à la planification. Mais que recouvre-t-elle ?
Notre empirisme nous protège tant bien que mal contre les insécurités climatiques, sanitaires et budgétaires qui chamboulent régulièrement ce qui avait été planifié – quand planification il y a eu…
C’est le propre des agriculteurs que de faire avec les aléas de la nature, et c’est l’essence même de notre passion qui nous fait être en première ligne pour protéger nos terres et veiller sur l’environnement. Ne l’oublions jamais : sans la nature, nous ne sommes rien.
J’ai la chance d’être agriculteur et membre du groupe Les Indépendants – République et Territoires, où l’on aime les histoires qui ont du sens, celles qui donnent une vision, un cap, et tracent un destin commun. Je m’interroge, car nous attendons avec impatience le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles. Sera-ce une énième loi d’avenir, qui n’aura d’avenir que le nom ?
En 1961, le ministre de l’agriculture Edgard Pisani annonçait qu’il était grand temps de parvenir à installer dans ses services la pensée économique, mais aussi de penser à y installer la volonté commerciale. C’est désormais chose faite !
Aujourd’hui, il est grand temps de passer de la pensée à l’action. Il me semble que la hausse du budget en est un gage et j’espère que cela transpirera dans le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles.
Reconnaissons-le, l’agriculture doit aussi faire avec une inertie qui lui est propre. Depuis mon installation en 1994, je n’ai cessé de constater le vieillissement et la diminution dramatique des exploitations.
Sans sursaut, la fin sera brutale. On se réveille souvent quand il est trop tard : un paradoxe encore bien ancré dans l’ADN des agriculteurs, pourtant désormais habitués, comme je le disais, au grand mot de « planification ».
Je le concède, nous avons besoin d’être bousculés. Vous le savez, monsieur le ministre, le monde agricole est un monde de passionnés qu’il est difficile de faire bouger. Mais une fois convaincus, ils se révèlent d’une force d’entraînement redoutable. Or nous ne convaincrons pas ces femmes et ces hommes qui ont fait de leur passion un métier en les pointant du doigt, en les stigmatisant. Je sais que vous partagez ce constat, monsieur le ministre.
Les agriculteurs encaissent toujours et passent à la caisse chaque jour – verdissement, dépense brune, GNR, conditionnalité, et j’en passe –, pendant que Bercy brasse non pas du vent, ce que nous préférerions, mais une pression bien française, l’élevant au rang de meilleur brasseur de France de la taxe et de l’impôt !
Vous avez dans votre champ de compétences plus de 90 % des terres du territoire français, monsieur le ministre. Il est temps que le monde agricole reprenne les choses en main. L’agriculture doit mettre la pression, et non pas la subir, car la souveraineté de la France sans souveraineté alimentaire est un mirage. C’est de surcroît une rêverie de penser pouvoir mener toutes les transitions, écologique, environnementale et énergétique, sans les agriculteurs.
Et nous, nous ne voulons pas rêver, monsieur le ministre. Nous aspirons à de la lisibilité, à de l’efficacité et à du pragmatisme. Or je sais que vous en avez et je salue à ce sujet votre position sur les produits phytosanitaires : oui, partout où nous pouvons trouver des solutions de substitution, allons-y ! Mais quand il n’y a pas de solution, il ne peut pas y avoir d’interdiction dogmatique et péremptoire.
Nous souhaitons de l’innovation et de l’efficacité, avec plus de vision à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), plus de performance pour le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), plus de simplification à l’Agence de services et de paiement (ASP) et à la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), qui pondent des normes souvent absurdes et des documents de plusieurs centaines de pages.
La rue de Varenne est déjà la rue des usines à gaz. Ne devenez pas le premier producteur de contenus à base de cellulose de notre pays. Laissez-en pour nos vaches !