La question est : quelles économies et pour qui ?
Pour ce qui est du bouclier énergétique, on totalise 2, 3 milliards d'euros de perdus pour les ménages, alors que la hausse des prix de l'énergie continuera en 2024, à hauteur de 10 %. Dans le même temps, les grands groupes du secteur de l'énergie, eux, vont bénéficier d'aides du Gouvernement : 42 milliards d'euros !
Côté collectivités, et nonobstant le discours sur l'augmentation de la DGF, l'exercice financier se traduira par d'importantes pertes financières : pas d'indexation de la DGF sur l'inflation, ce qui veut dire, en euros courants, une baisse de 5, 6 milliards d'euros tous transferts confondus ; poursuite de la suppression de 19, 6 milliards d'euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui veut dire, pour les communes, perte potentielle de la dynamique afférente.
Cet affaiblissement de l'action publique a été aggravé par la droite sénatoriale, c'est-à-dire par vous, chers collègues !
Mission « Administration générale et territoriale de l'État » : –4, 7 milliards d'euros ; mission « Immigration, asile et intégration » : –2 milliards d'euros ; mission « Plan de relance » : –1, 4 milliard d'euros ; compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » : –4 milliards d'euros ; et, surtout, mission « Cohésion des territoires » : –19 milliards d'euros !
Les projets du Gouvernement et de la droite se confondent, autour d'un même centre de gravité : des économies sur les ménages, les services publics et l'égalité territoriale, mais non sur les actionnaires ni sur les hauts revenus.
Les économies se font aussi contre la planification écologique. En la matière, monsieur Cazenave, je suis obligé de vous donner raison ; je vous cite : « Nous sommes loin de la révolution écologique. » Là-dessus, soyons justes, il est impossible de douter de votre franchise… §
J'en viens à la dernière raison de notre vote contre : elle est motivée par l'adage classique : « Socialisation des pertes et privatisation des profits ». Autrement dit, vous faites le choix de la dette au détriment de l'impôt.
S'endetter peut être utile pour investir : c'est ce qu'on appelle une dette saine. Mais le problème est l'ampleur et la structure de la dette ! D'une part, il existe 1 800 à 2 000 dispositifs d'aide aux entreprises, dont 56 % seraient des subventions, 5 % des allègements fiscaux. D'autre part, la dette vient aussi en grande partie du refus d'une fiscalité juste et progressive pour tous.
Pour la très grande majorité de nos concitoyens, le système fiscal français est progressif. Toutefois, à partir des 0, 1 % les plus riches, il devient dégressif, le taux moyen d'imposition chutant à 26 % pour les 0, 0002 % les plus fortunés.
Voilà d'où viennent la dette et le déficit !
Avec 145 milliards d'euros de déficit et 280 milliards d'euros d'endettement, nous atteignons un record.
Il faut clairement parler d'une dépendance aux marchés financiers. Cette bulle a été créée par les intérêts de la dette, qui produisent une fragilité de l'État. L'argent prend alors le dessus sur nos valeurs, ces trois valeurs qui nous lient : liberté, égalité, fraternité ! Or, je le dis, l'argent ne fait ni la Nation ni la démocratie.
Je note aussi que la dette privée des entreprises, et entre entreprises, un tabou – on n'a jamais le droit d'en parler –, représente 162 % du PIB, contre 105 % en moyenne dans la zone euro.
La dette publique, à côté, fait pâle figure. Se déresponsabilisant, le Gouvernement fait le choix de la décentraliser – eh oui ! – et d'en faire supporter le poids par les collectivités et par les salariés, qui n'en sont pourtant pas responsables.
Nous voterons contre ce budget, car il n'améliorera pas la vie quotidienne des Français. Il ne réglera pas la crise énergétique ni ne désamorcera la bombe sociale qui commence à s'abattre devant nous, j'ai nommé la crise du logement.
S'il y a bien un changement dans la politique de l'exécutif, c'est que le Gouvernement vient de s'extraire de la gestion des urgences.
Le Gouvernement et la droite sénatoriale se sont finalement entendus, hier tard dans la nuit, en votant un article d'équilibre dont le solde est amélioré de 42 milliards d'euros. Tout était déjà réglé, entre pacte de fond et faux-semblant de conflit.