Intervention de Serge Guillon

Commission des affaires européennes — Réunion du 12 octobre 2023 à 9h00
Fonctionnement de l'union européenne — Audition de M. Serge Guillon ancien secrétaire général des affaires européennes

Serge Guillon, ancien Secrétaire général des affaires européennes :

Je partage votre analyse. L'Europe a connu huit vagues d'élargissement successives, tantôt par modification de statut, tantôt à la suite d'une réunification. Aujourd'hui, à 27, les instances formelles sont de moins en moins souvent le lieu où les négociations se déroulent et où les décisions sont prises. Ce sont de plus en plus des jeux d'alliances qui déterminent la politique européenne actuelle.

Pour être tout à fait complet, il existe deux types d'alliances : d'une part, des alliances régulières, formelles, comme celle des États « radins » ou « frugaux », autrement dit les pays contributeurs nets ; d'autre part, des groupes ad hoc qui s'allient en fonction des questions abordées. Du côté du Parlement européen, le fait majoritaire ne s'applique pas sur tous les sujets :y émerge aussi un subtil jeu d'alliances en fonction des thèmes discutés.

Ces jeux d'alliances ont tendance à se complexifier aujourd'hui, dans la mesure où la question de l'avenir de l'Union européenne reste floue.

Les futurs élargissements auront des effets mécaniques sur le fonctionnement de la Commission européenne et bouleverseront le système de décision : la question du nombre des commissaires se posera de nouveau, tout comme la question de la présence des fonctionnaires des nouveaux pays adhérents, ou celle de l'indépendance des commissaires selon leur pays d'origine.

Ce risque de complexification vaut aussi pour le Conseil européen, les Coreper et les Conseils des ministres. Concrètement, comment prendre des décisions et voter, alors qu'un si grand nombre de pays sont représentés ?

Au Parlement européen, se posera également la question de la redistribution des 751 sièges entre les représentants des différents pays à l'issue de l'élargissement. Cela risque d'être très compliqué.

Les derniers élargissements de l'Union européenne ont entraîné une diversification des centres d'intérêt nationaux. Quelques grands sujets, comme ceux de l'immigration ou de la sécurité, les enjeux financiers et budgétaires font réapparaître à la surface les spécificités nationales, tels que la géographie, l'histoire ou l'économie.

Une évolution institutionnelle me semble nécessaire à moi aussi ; à cet égard, il existe deux hypothèses : d'une part, celle qui implique une révision des traités ; d'autre part, celle qui passe par l'adaptation informelle, autrement dit la pratique en vigueur jusqu'ici. La première solution semble complexe à mettre en oeuvre : on constate ainsi un quasi-isolement de la France et de l'Allemagne sur la question de la réforme des traités, la plupart des autres pays européens craignant une opposition de leur Parlement ou une défaite de leur gouvernement à l'issue d'un référendum.

S'agissant de la deuxième voie d'évolution, certaines adaptations sont possibles, mais là encore, leur mise en oeuvre sera très délicate. D'où les réflexions actuelles sur les alternatives à l'adhésion, comme la mise en place de sas d'entrée selon différentes formules. Cet enjeu est majeur : c'est l'avenir de l'Union qui se joue ici.

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