Je suis intimement persuadé qu'il faut présenter l'Union européenne via ses résultats. On constate une méconnaissance générale, y compris dans le monde politique, de ce qu'est la politique européenne de la pêche ou des transports, par exemple. Pis, on assiste parfois au « blanchissement » de l'origine européenne d'un texte ou d'une décision, comme si l'on en avait honte !
Il faut mobiliser une approche par les régions et les collectivités, pour exposer les résultats concrets des politiques européennes.
Je ne suis pas certain qu'il soit utile de décrire le processus décisionnel de façon précise. Si j'avais eu à faire la même intervention sur notre système national, peut-être aurais-je été aussi critique. Avec la démocratie, nous sommes dans le monde de la complexité. La machine de négociation européenne est de facto plus complexe, en raison du nombre d'acteurs.
En ce qui concerne les insuffisances démocratiques, n'oublions pas qu'il en existe aussi spécifiques à la France. Dans certians pays, les débats européens au Parlement sont fréquents et réguliers. Dans d'autres pays, il est inimaginable de désigner un ministre des affaires étrangères qui n'ait pas été membre du Parlement européen. Dans d'autres encore, on constate une stabilité des ministres des affaires européennes, ce qui permet de nouer des relations durables à Bruxelles pour mieux influencer et peser sur les décisions - je crois que nous avons eu onze ministres des affaires européennes en dix ans en France ! Dans d'autres enfin, le système administratif est plus transparent. J'avais eu pour projet de créer un conseil d'orientation ouvert à la société civile et à certaines personnalités autour du SGAE ; le fait est que notre système administratif a une préférence pour la discrétion et l'opacité. Mes collègues de Bercy, par exemple, ne sont pas toujours d'une grande transparence à l'égard des parlementaires...
En ce qui concerne les élus locaux, il y a un véritable enjeu de formation. Je me suis battu pour mettre en place ce cycle des hautes études européennes au sein de l'ENA auquel ont d'ailleurs participé des sénateurs et des élus locaux.
Même si deux membres du Gouvernement, M. Marc Fesneau et Mme Carole Grandjean, ont suivi le cycle d'enseignement que je dirige, proposer un tel cycle nécessite de la combativité : il n'est pas évident de proposer une formation et une information sur l'Europe. Nous manquons de maturité en la matière, victimes du syndrome de l'héritier.
En effet, dans les nouveaux États membres, les générations au pouvoir ont eu à négocier, à s'adapter et à convaincre leurs opinions publiques, quand la France, en tant qu'État fondateur, éprouve un sentiment de supériorité. Pourtant, l'Europe change. J'en veux pour preuve que les élites d'autres pays ont des capacités linguistiques que nous n'avons pas. La France voit encore l'Union européenne comme un acquis immuable. Nous ne prenons donc aucune initiative en matière de changements, ce qui peut nous nuire.