Intervention de Daniela Schwarzer

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 novembre 2023 à 16h35
Institutions européennes — Audition de M. Olivier Costa directeur de recherche au cnrs chercheur au centre de recherches politiques de sciences po paris cevipof directeur du département d'études politiques et de gouvernance européenne au collège d'europe et Mme Daniela Schwarzer membre du conseil d'administration fondation bertelsmann professeur honoraire à l'université libre de berlin co-rapporteurs du groupe d'étude france-allemagne sur la réforme des institutions de l'union européenne auteurs du rapport naviguer en haute mer : réforme et élargissement de l'union européenne au xxie siècle 18 septembre 2023

Daniela Schwarzer, rapporteure du groupe d'étude France-Allemagne sur la réforme des institutions de l'Union européenne :

Le rapport ayant dû être court, il nous a fallu choisir entre beaucoup de réformes possibles. Nous avons donc d'abord défini des objectifs et avons choisi des propositions qui renforcent au moins un des trois principes suivants : accroître la capacité d'action de l'Union européenne, notamment au regard du contexte politique, préparer les institutions à l'élargissement et renforcer l'État de droit et la légitimité démocratique.

Ce troisième principe est aussi le premier grand chapitre du rapport. Pourquoi a-t-on commencé le rapport par celui-ci ? Tout d'abord, on a parlé de l'état de l'Union européenne tel qu'on l'observe aujourd'hui. Or une de ses faiblesses est le fait qu'elle ne puisse efficacement défendre le principe d'État de droit au sein des Vingt-Sept. On a beaucoup discuté de la Hongrie, tout comme alors de la Pologne, laquelle est aujourd'hui en train de mettre en place un autre Gouvernement qui pourrait renverser les réformes du parti gouvernemental Droit et justice (PIS). C'est un grand défi pour l'Union européenne, l'État de droit étant la base du marché intérieur, que de voir remis en question des principes comme l'indépendance judiciaire au sein des Etats ou la reconnaissance de la primauté du droit européen et de la Cour de justice européenne.

Sur ces sujets, nous faisons deux propositions. Tout d'abord, nous avons étudié de près la conditionnalité budgétaire qui a été introduite avec le Fonds européen de reconstruction (NextGenerationEU). C'est selon nous un principe efficace qu'il faut revisiter, notamment dans le cadre de la définition du nouveau cadre financier de l'Union européenne.

Le groupe est tombé d'accord sur le fait que les citoyens des États membres donateurs au titre du budget européen doivent s'attendre à ce que l'argent soit dépensé dans un cadre d'État de droit et de transparence. Nous pensons que cette proposition sert non seulement à renforcer le principe de l'État de droit au sein de l'Union européenne, mais ajoute de la légitimité politique aux dépenses européennes.

Nous avons proposé d'améliorer la procédure visée à l'article 7 du traité sur l'Union européenne, ce qui nécessiterait une réforme du traité, en remplaçant le vote à l'unanimité moins une voix par un vote à la majorité des quatre cinquièmes du Conseil. Il serait ainsi plus facile de sanctionner un État membre.

Deuxièmement, nous proposons de renforcer le cadre automatique de la réponse en introduisant des délais contraignant le Conseil à statuer une fois la procédure ouverte. Aujourd'hui, on observe que les délais sont très longs. Or pour avoir plus de poids politique, il est très important que la procédure avance rapidement.

Troisième élément, lié au précédent: nous demandons de prévoir des sanctions automatiques dans les cinq ans qui suivent toute proposition visant à déclencher la procédure.

Nous avons fait figurer ces propositions au premier chapitre, car l'Union européenne telle qu'on la connaît aujourd'hui, avec son marché intérieur, ne saurait se maintenir sans être capable de défendre ce principe de base : l'État de droit.

Le deuxième chapitre porte sur les défis institutionnels. Nous avons identifié cinq domaines clés à réformer. Nous avons évoqué le Parlement européen en suggérant notamment de ne pas accroître le nombre maximal de députés, à savoir 751, à répartir selon la formule de Cambridge.

Nous avons ensuite étudié le fonctionnement de la présidence de l'Union européenne, qui intervient sur une période de six mois. Nous trouvons qu'il s'agit d'un élément très important, à la fois pour la gestion du Conseil des ministres de l'UE, mais aussi pour que chaque État membre s'approprie les affaires européennes et puisse communiquer sur son propre rôle au sein de l'Union européenne vis-à-vis de ses citoyens.

Nous pensons que la coordination des présidences du Conseil peut être renforcée. Nous proposons de passer d'un trio - trois pays membres qui se coordonnent sur une période de dix-huit mois - à un quintette donc cinq présidences successives organisées sur deux ans et demi, la moitié du mandat de la Commission européenne et du Parlement européen. Nous pensons que cela permettrait ainsi de mieux coordonner les initiatives politiques avec le programme de travail de la Commission et d'avoir plus de cohérence entre deux élections européennes.

S'agissant de la Commission européenne, nous avons naturellement choisi de parler de la taille et de l'organisation du collège. C'est aujourd'hui, avec 27 commissaires, une organisation très complexe. Le collège à 35 commissaires serait encore plus : il faudrait inventer des dossiers supplémentaires pour chaque pays et chaque commissaire.

Le traité de Lisbonne offre la possibilité de réduire la taille du collège. C'est une première option, mais nous sommes conscients du prix politique que cela peut avoir si un pays membre n'a pas de commissaire pendant cinq ans.

Notre deuxième option, politiquement plus facilement négociable selon nous, consiste à différencier les commissaires et à établir une certaine hiérarchie sans nécessairement réduire le droit de vote ce qui impliquerait de réformer le droit primaire, ce qui semble trop difficile.

Nous avons aussi parlé du processus de décision au Conseil. Vous avez déjà évoqué le principe du vote à la majorité qualifiée. C'est selon nous un élément très important, notamment pour avoir plus d'efficacité dans le processus de décisions au sein du Conseil. Nous nous sommes longuement entretenus avec des personnes très proches du fonctionnement du Conseil. Elles ont notamment évoqué les mécanismes de prise de décision. Vous avez déjà évoqué nos recommandations principales. Je veux y ajouter un élément d'explication : même si la majorité qualifiée n'est pas appliquée mais qu'elle existe, elle peut avoir un effet favorable à la construction d'un consensus entre les États membres.

C'est pourquoi nous pensons, même si on introduit une clause de protection de la souveraineté nationale et la possibilité de transférer des décisions au Conseil européen, que notre proposition aurait un effet de discipline politique en facilitant le consensus entre les États membres.

Enfin, pour renforcer la démocratie à l'échelle de l'Union européenne, nous proposons l'harmonisation des lois électorales au sein de l'Union européenne entre les États membres. Les conditions dans lesquelles les élections se déroulent au sein des États membres ne sont pas harmonisées. Nous soumettons donc des mesures très concrètes pour arriver à cet objectif.

Nous proposons par ailleurs des éléments de démocratie participative. Beaucoup ont été testés au sein de l'Union européenne. Nous pensons que ce sont des outils très intéressants pour renforcer la démocratie représentative, que nous ne remettons pas en question. Nous proposons aussi d'utiliser ces instruments pour préparer l'élargissement.

Nous suggérons d'impliquer les citoyens des États candidats dans les décisions pour chaque question qui les intéresse. Cela peut être le début d'un débat transeuropéen. Nous ne voyons pas de contraintes politiques ou légales à cette évolution.

S'agissant des questions de transparence et de lutte contre la corruption, grand sujet pour le Parlement européen, nous proposons de créer un nouvel office de la transparence et de la probité chargé de superviser les activités de tous les acteurs travaillant pour les institutions de l'Union européenne.

Nous avons abordé la question des compétences, des attributions et des ressources de l'Union européenne, qui n'était pas strictement dans notre mandat, sous l'angle institutionnel et décisionnel. Nous faisons des suggestions qui tiennent compte de la nouvelle situation géopolitique extérieure de l'Union européenne, mais aussi des défis intérieurs qui ont augmenté du fait des crises, auxquels le budget doit répondre.

Nous proposons d'introduire de nouveaux mécanismes de décision pour les dépenses, mais aussi de réexaminer les ressources du budget européen, notamment avec l'exemple du fonds NextGenerationEU.

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