Intervention de Olivier Costa

Commission des affaires européennes — Réunion du 22 novembre 2023 à 16h35
Institutions européennes — Audition de M. Olivier Costa directeur de recherche au cnrs chercheur au centre de recherches politiques de sciences po paris cevipof directeur du département d'études politiques et de gouvernance européenne au collège d'europe et Mme Daniela Schwarzer membre du conseil d'administration fondation bertelsmann professeur honoraire à l'université libre de berlin co-rapporteurs du groupe d'étude france-allemagne sur la réforme des institutions de l'union européenne auteurs du rapport naviguer en haute mer : réforme et élargissement de l'union européenne au xxie siècle 18 septembre 2023

Olivier Costa, rapporteur du groupe d'étude France-Allemagne sur la réforme des institutions de l'Union européenne :

Je constate simplement un déclin de la participation dans toutes les élections, sauf les élections européennes, où on a eu un rebond de participation de huit points en 2019, soit une hausse de 20 %. C'est énorme.

Cela veut dire que, confusément, les citoyens comprennent qu'il s'agit d'enjeux importants. Quand on regarde plus précisément les enquêtes d'opinion, les citoyens sont critiques à l'égard de l'Union européenne mais restent attachés au principe de participation de leur pays. On pourrait faire le même constat avec le rapport aux institutions en général. Les gens sont très critiques vis-à-vis des élus, mais sont attachés à leurs institutions et à la façon dont elles fonctionnent.

Pour ce qui est de la politique étrangère, nous n'avons pas proposé de sortir de l'unanimité pour les grandes décisions parce que l'Union européenne n'est pas une fédération : elle est composée de 27 États, très attachés à leur souveraineté et à leur politique étrangère. Si on avait une majorité qualifiée pour les grandes décisions touchant la politique étrangère, on risquerait, lors d'un sommet européen, par exemple, d'avoir une décision adoptée à la majorité qualifiée pour un nouveau train de sanctions contre la Russie, avec trois ou quatre membres du Conseil européen disant aux médias : « On m'a forcé la main, j'ai été mis en minorité. Je ne me sens pas concerné par cette décision ».

Je pense que la majorité qualifiée est un outil adapté à certains types de décision et non à d'autres, de même que, dans nos institutions françaises, on peut plus facilement changer une loi lambda que la Constitution. Les règles de majorité ne sont pas les mêmes.

Quant à l'existence ou non d'un débat franco-allemand dans le groupe, il y a peut-être une tendance française à avoir une vision plus intergouvernementale de l'intégration européenne, plus gaullienne, - oserais-je dire - un peu « à la Macron », et, côté allemand, une approche des institutions européennes en référence à des institutions fédérales. On n'a jamais eu ce type de débat entre nous, ce qui était plutôt une bonne surprise. Cela nous a évité des soucis.

S'agissant des questions de Mme Boyer, la capacité pour l'Union d'intégrer des pays avec des conflits constitue évidemment une problématique très importante. La situation des États qui sont en conflit avec un autre État candidat ou un État membre de l'Union européenne doit être résolue avant l'entrée dans l'Union. En revanche, on ne peut donner les clés de l'élargissement à la Russie.

Ces questions doivent être traitées très sérieusement. On ne peut faire entrer un État en guerre dans l'Union européenne, mais ce doit être possible pour la Moldavie, y compris la Transnistrie, sans attendre une hypothétique solution.

S'agissant des questions du sénateur Marie à propos du calendrier, il faut absolument avoir un accord politique sur la procédure de désignation de la présidente ou du président de la Commission avant l'élection. Les traités sont à mon sens mal rédigés de ce point de vue. Il y a une incertitude sur qui choisit le président ou la présidente de la Commission, et le Parlement européen devrait élire cette personne à la majorité des membres.

Dans le futur Parlement à 720 députés, la majorité correspondra à 361 députés ; tous les abstentionnistes et les absents seront considérés comme votant contre. C'est difficile. Mme von der Leyen avait eu une majorité de sept voix. Je suis assez inquiet : s'il advenait que le Conseil européen propose un candidat et que le Parlement européen ne soit pas très enthousiaste, ce candidat pourrait ne pas avoir la majorité et on entrerait dans une crise institutionnelle longue.

Nous n'avons pas proposé une institutionnalisation de la procédure dite du spitzenkandidat, mais il faut un accord politique entre le Conseil européen, le Parlement et les groupes politiques sur cette question pour éviter une catastrophe.

La révision des traités est une question dont on a beaucoup débattu. Nous proposons six scénarios de révision. Les choses sont assez complexes. Il existe trois approches. La première est la vraie révision, selon ce qui est prévu dans les traités, avec une convention et des référendums potentiels dans un certain nombre d'États. À titre personnel, j'y suis favorable. Il y a un vrai risque politique, mais je pense que les citoyens sont des gens raisonnables et qu'il faut ouvrir le débat sur l'élargissement et la réforme des traités, faire preuve de pédagogie et ne pas laisser ce sujet à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, qui en ont parfois une approche un peu biaisée.

La deuxième approche serait une révision des traités via les traités d'accession, car qui dit élargissement dit modification des traités existants. Un certain nombre de réformes institutionnelles pourraient figurer dans les traités d'accession - modifier la composition du Parlement, de la Commission - que sais-je ?

Enfin, la troisième solution est la solution de repli, qui consisterait, en cas de blocage, à avoir un traité ad hoc, hors Union européenne. Rien n'interdit aux États ou à un certain nombre d'États membres de « bricoler » quelque chose dans l'intergouvernemental. Ce n'est pas souhaitable, mais c'est une solution de repli en cas de véto durable d'un ou plusieurs États membres.

Enfin, j'en viens à la question de Mme Jourda sur l'attitude des pays candidats est une très bonne question. Chaque pays a sa propre procédure pour valider un éventuel élargissement à l'Union européenne. À titre personnel, je pense que le référendum s'impose pour une décision aussi importante pour l'avenir de ses citoyens. On sait qu'il existe des pays divisés de ce point de vue. Nous recommandons dans notre rapport d'associer les citoyens de pays candidats à la procédure d'élargissement, ce qui n'a pas été fait les fois précédentes.

On a eu le sentiment que la négociation n'impliquait que les responsables politiques des États, parfois contre les citoyens parce que cela impliquait de mener toute une série de réformes souvent impopulaires. On a bien vu que les responsables politiques des pays candidats, dans les années 2000, ont perdu toutes les élections du fait de ces réformes. Je pense qu'il faut renverser la vapeur, associer les citoyens de pays candidats au processus via les instruments de participation qu'on a déjà, de sorte qu'ils soient impliqués et que la pression des citoyens porte davantage sur les responsables politiques plutôt que l'inverse.

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