Intervention de Hervé Berville

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 octobre 2023 à 13h30
Agriculture et pêche — Audition de M. Hervé Berville secrétaire d'état auprès de la première ministre chargé de la mer

Hervé Berville, secrétaire d'État :

Madame la sénatrice Karine Daniel, j'ai déjà répondu à la question sur l'aide au carburant. En ce qui concerne l'installation des jeunes, nous devons tenir un discours aussi positif que possible car nous avons connu des crises dans le passé, que nous sommes parvenus à surmonter. Nous faisons face à un enjeu primordial : celui de la préservation de la biodiversité et de la transition énergétique nécessaire pour acquérir la souveraineté de nos flottes. J'ai observé, en visitant des lycées maritimes, l'envie des jeunes de s'installer, en pratiquant des pêches différentes de celles de leurs aînés, tout en souhaitant participer à l'activité économique de leurs pays.

Plusieurs leviers existent au-delà de la formation que vous avez évoquée. Tout d'abord, on peut mentionner l'accès à des bateaux plus modernes qui respectent l'environnement, tout en offrant notamment des espaces de convivialité, qui sont appréciés lors des longues sorties en mer. La convivialité constitue un élément important dans le choix de la carrière. Cette modernisation est inscrite dans le plan de 450 millions d'euros.

En ce qui concerne les aides à l'installation des jeunes pêcheurs, elles sont prévues dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMPA) dont l'attribution est pilotée par les régions. L'enjeu de l'installation qui était certes moins prégnant, il y a vingt ans, est devenu désormais primordial. Le gouvernement travaille avec les régions afin de calibrer cette aide pour une promotion optimale des installations.

Il convient également d'aborder la question de la répartition des quotas, comme l'a souligné Madame la sénatrice Mathilde Ollivier, en permettant que celle-ci bénéficie également aux plus jeunes. C'est ce que nous avons réalisé notamment dans le cadre du PAI, en affirmant qu'il convient de donner la capacité de s'installer, de pêcher, et de produire à des jeunes qui n'ont pas de quotas.

Un autre levier d'action consiste à les accompagner avec des aides privées, à l'instar de la CMA-CGM, dont le fonds de 20 millions d'euros accompagne les projets novateurs, qui visent à expérimenter et tester de nouveaux modèles de pêche ou de types de pêche ce qui entre dans l'aspiration naturelle de nos jeunes. Il convient de leur en donner les moyens.

Pour répondre à votre dernière question, sur l'enjeu de filière, ce dernier se situe au coeur du contrat stratégique de filière qui tend à ce que les acteurs dialoguent ensemble, créent des mécanismes et soient plus solidaires. À un moment donné, la question de la contractualisation se posera.

L'installation des jeunes serait, en effet, favorisée par la pluriannualité des quotas pour une meilleure visibilité ainsi que par l'achat de poissons, non seulement à la semaine mais sur quelques mois, voire quelques années, à l'instar d'autres secteurs. Ces pistes de réflexion conduiraient à un modèle économique plus durable et soutenable pour nos jeunes.

Madame la sénatrice Mathilde Ollivier, j'ai répondu en partie à votre interrogation sur l'article 17. Vous avez raison quant à l'obligation de le mettre en oeuvre. Rappelons néanmoins que les antériorités constituent l'un des piliers de la politique commune de la pêche et donnent de la visibilité. Celles-ci protègent les petits pêcheurs des nouveaux entrants très capitalistiques dotés de moyens importants. Certes, il convient également d'examiner les conséquences de ce que vous signalez, à juste titre. C'est pourquoi, dans le cadre de la réserve de quotas à la suite du PAI, un décret en Conseil d'État sera pris afin de pouvoir décliner cet article 17.

Vous m'avez interrogé sur la préservation des dauphins : le décret relatif à la lutte contre la capture accidentelle de cétacés est en cours de consultation. Il se peut qu'il ne satisfasse pas entièrement les pêcheurs ou les Organisations non gouvernementales. Il répond à trois impératifs, celui de se conformer à la volonté du Conseil d'État de prévoir des fermetures spatio-temporelles, ce qui est inédit. Ces dernières couvrent tout le golfe de Gascogne, ce qui fait de la France le seul pays au monde à avoir une fermeture spatio-temporelle d'une telle ampleur. Le deuxième impératif porte sur le maintien de la filière, en évitant qu'elle ne s'effondre. Le troisième consiste à disposer de mécanismes permettant d'améliorer notre connaissance afin de pouvoir notamment expliquer le regroupement des dauphins dans certains endroits, pour en limiter les captures accidentelles. Nous allons donc tester des dispositifs avec des caméras et augmenter le nombre de navires prenant part à cette expérimentation. Plus de 650 navires seront affectés par cette fermeture spatio-temporelle.

Nous répondons donc bien à la demande du Conseil d'État et allons également améliorer la science et la connaissance des données sur ces sujets, tout en essayant de donner de la visibilité aux scientifiques, aux pêcheurs ainsi qu'aux collectivités parce que pour chaque emploi en mer, il y a quatre emplois à terre.

En ce qui concerne le vadémécum, nos équipes y participent effectivement, avec notamment l'Espagne et le Portugal. Je pourrai vous donner des éléments plus précis sur ces réunions, si vous le souhaitez.

S'agissant du règlement de contrôle, il a déjà été examiné en trilogue. Notre ambition repose sur le pragmatisme. Nous serons attentifs à ce qu'il soit décliné de manière réaliste, notamment en matière d'obligations d'installation de caméras et de période de mise en oeuvre afin de laisser le temps nécessaire aux navires de s'équiper.

Concernant la pêche illégale, je vous remercie d'avoir abordé ce sujet crucial. La surpêche et la pêche illégale constituent le premier facteur de baisse de la ressource et de l'effondrement du stock d'un certain nombre d'espèces. Madame Annick Girardin avait commencé à traiter ce sujet. Le Président de la République en a fait une priorité en termes de stratégie maritime, depuis 2020. Nous avons porté ce dossier dans les G7 des deux dernières années avec succès. En effet, depuis le dernier G7 qui s'est tenu au Japon, la pêche illégale est considérée comme un enjeu prioritaire. Dans ce prolongement, je vais organiser une réunion ministérielle avec tous les ministres du G7 afin de mettre en oeuvre cette décision politique de haut niveau qui a été portée par les différents chefs d'État ou de gouvernement.

En outre, la France a rejoint l'alliance internationale contre la pêche illégale (Illegal, unreported and unregulated (IUU) fishing). Cette dernière permet de mettre en commun un certain nombre de moyens et des données.

Nous avons également demandé à la Commission européenne de se saisir de ce sujet. J'ai à nouveau abordé cette question lundi dernier avec le commissaire à l'environnement, M. Virginijus Sinkevièius. L'Union européenne devrait utiliser ses « cartons jaunes » et « cartons rouges » vis à vis de pays tiers qui ne respectent pas leurs obligations en matière de lutte contre la pêche illégale. À titre d'illustration, 90 % des tortues luths en Guyane ont disparu en raison de la pêche illégale par des pêcheurs du Brésil et du Suriname. Nous menons diverses actions commerciales, de coopération ou de développement avec ces pays. Si des activités illégales se déroulent sur notre territoire, impliquant des pêcheurs de ces pays tiers, il conviendrait que l'Union européenne prenne des sanctions ou joue sur d'autres leviers afin d'empêcher cette pêche illégale. L'action de la France est ferme, dans le Pacifique, en passant par les Caraïbes et l'Océan indien. Des actions « coup de poing » de la marine française ont visé à éloigner notamment les pêcheurs brésiliens. Nous allons également conduire des actions de coopération entre les marines européennes afin de renforcer la sécurité maritime et préserver les ressources de nos pays. Cette lutte est donc menée au niveau international, dans le cadre du G7, au niveau européen car nous demandons à la Commission européenne de prendre ses responsabilités, et au niveau national dans le cadre de coopérations.

Au cours de la prochaine année, un travail d'identification des produits que nous consommons, qui pourraient être issus de pêches illégales, sera réalisé. Le député européen, M. Pierre Karleskind, a rédigé un premier rapport sur le sujet.

Enfin, signalons la dimension sociale de la lutte contre la pêche illégale. Les conditions sociales et d'emploi des marins relèvent le plus souvent de l'esclavagisme.

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