Intervention de Ghislaine SENÉE

Réunion du 14 décembre 2023 à 15h12
Rétablissement de la réserve parlementaire — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Ghislaine SENÉEGhislaine SENÉE :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, six années après la suppression de la réserve parlementaire, nous voilà aujourd'hui réunis pour nous prononcer sur son rétablissement.

Jugée populiste, dépassée, d'un autre temps, cette pratique a été supprimée par des parlementaires fraîchement élus et pour la plupart issus de la société civile, au travers d'un texte relatif à la moralisation de la vie publique. En effet, le principe même d'une enveloppe laissée à la discrétion d'un élu pour financer des projets locaux, précisément là où se situent ses intérêts électoraux, a suscité une inquiétude légitime quant au risque de dérive clientéliste.

Si aujourd'hui nombre d'élus locaux, d'acteurs associatifs et de parlementaires – près de trois cents d'entre eux ont lancé cette initiative – voient d'un œil favorable cette pratique, tel n'est pas le cas de la plupart de nos concitoyens, qui considèrent encore de façon très critique cette pratique, qu'ils ont jugée discrétionnaire. Quelles sont donc les raisons de ce rétropédalage, au moment même où les Français expriment toujours plus de méfiance vis-à-vis des politiques ?

D'abord, la réserve parlementaire a longtemps été un dispositif de confort pour les petites communes et associations, qui a permis de répondre concrètement à un besoin de financement complémentaire. Pour les collectivités, c'était en effet un moyen simple et souple d'accéder à un financement subsidiaire. Tous ceux qui parmi nous ont été maires – moi la première – en ont, bien évidemment, profité. Toutefois, force est de constater que les coupes draconiennes des dotations par le Gouvernement entraînent effectivement un déficit, que nous ne pourrons toutefois combler ni à l'aide de rustines ni par du saupoudrage.

Ensuite, selon certains, le retour de la réserve parlementaire permettrait de rétablir un lien, aujourd'hui distendu, entre l'élu et sa circonscription, en effaçant l'image du parlementaire déconnecté des réalités locales. Derrière ces mots transparaît, à mon sens, une forme de regret lié au sentiment de perte d'influence locale. Assurons-nous plutôt de défendre un outil au service des territoires et non des parlementaires !

Surtout, cet argument trahit, me semble-t-il, une interprétation erronée de notre rôle de député ou de sénateur. Si nous sommes tous ici attachés à notre circonscription, si nous souhaitons tous contribuer au bon fonctionnement de nos communes, à la pérennité de nos associations et au bien-être de nos habitants, nous sommes avant tout des élus de la Nation. Il nous faut revenir au sens constitutionnel de notre mandat qui nous confie la responsabilité de voter la loi, de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques.

Si nous nous sommes engagés à agir pour nos territoires, nous devons le faire non par la distribution d'une aide financière, mais par la représentation des collectivités territoriales de la République et la défense de leur avenir, en commission et en séance, c'est-à-dire là où se situe notre véritable mission constitutionnelle. Nous ne devrions pas avoir besoin de distribuer de l'argent pour exister dans nos territoires. Nous le mesurons bien, cette question suscite de forts débats au sein de nos propres groupes politiques. Travaillons plutôt ensemble à renforcer notre ancrage territorial, en valorisant le travail législatif, en créant des dispositifs alliant souplesse et réactivité, et en renouant les liens.

Mes chers collègues, rétablir un dispositif supprimé il n'y a pas six ans par la volonté d'un Président de la République nouvellement élu dans le cadre d'une loi de moralisation de la vie publique serait incompréhensible pour nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion