Intervention de Nicolas Breyton

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 23 novembre 2023 à 9h30
Audition publique sur le développement des réacteurs nucléaires innovants en france olga givernet députée et stéphane piednoir sénateur rapporteurs

Nicolas Breyton, CEO de STELLARIA :

STELLARIA conçoit le premier réacteur à sels fondus, de deux fois 110 mégawatts électriques, qui assure la régénération de son combustible au sein même du coeur. Le réacteur Stellarium a été développé dans le cadre d'une alliance industrielle avec Orano, le CEA, mais aussi Technip et Schneider Electric. La société est née d'une rencontre entre des experts techniques d'Astrid et des experts des besoins des industriels électro-intensifs, opérant dans divers secteurs, tels que les mines, les centres de données, les zones portuaires, etc. Nous avons aussi été à l'écoute des besoins d'EDF et d'Orano pour la fermeture du cycle, besoins que notre projet satisfait complètement.

L'objectif consiste à fournir une tête de série d'ici 2035, destinée aux grands clients industriels qui doivent fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une énergie décarbonée à bas coût, produite en juste à temps, en suivant la courbe de la demande. Pour réindustrialiser et électrifier le pays, il faut garantir des factures d'énergie stables à long terme.

La filière industrielle a pour objectif de fermer le cycle, en valorisant pleinement l'uranium et le plutonium issus des réacteurs à eau pressurisée, ainsi que les matières contenues dans les combustibles usés, et, si possible, d'incinérer l'américium et les autres actinides mineurs. Notre stratégie vise donc à diminuer la dépendance aux mines étrangères, pour atteindre la souveraineté énergétique.

La somme de ces besoins converge vers une technologie de rupture, conduisant à la création d'une nouvelle filière à neutrons rapides à combustibles liquides. Les combustibles liquides présentent l'avantage de fournir une électricité très rapidement commandable à la hausse et à la baisse, constituant ainsi un complément aux énergies intermittentes. En outre, le réacteur Stellarium peut s'arrêter très rapidement grâce à la dilatation naturelle des combustibles liquides, ce qui apporte une sûreté intrinsèque par conception, y compris en cas de perte totale du circuit primaire. Il fonctionne à pression atmosphérique et en convection naturelle, ce qui empêche le dégazage en cas d'accident. Enfin, il n'y a pas de risque de fusion de coeur puisque celui-ci est naturellement fondu. La zone d'exclusion de sûreté est donc très limitée, ce qui permet un déploiement nouveau dans des grandes zones industrielles. Nous avons choisi des sites sur lesquels les services de sécurité existent.

Nous pouvons fournir deux fois 110 mégawatts électriques en autonomie pendant quinze ans sur une surface compacte de la taille d'un ou deux terrains de football, ce qui permet de résoudre le problème du foncier dans des zones plus contraintes. L'autonomie étant totale durant quinze ans, le combustible reste sur site, ce qui évite les transports inutiles.

Par ailleurs, le réacteur Stellarium fournit la capacité de multirecycler les combustibles usés issus des réacteurs à eau pressurisée, s'inscrivant parfaitement dans la stratégie de fermeture du cycle. Il est tolérant et peut fonctionner avec différents types de combustibles liquides mélangés dans le sel : le MOX, même dégradé, l'uranium de retraitement et le thorium. Nous avons 9 000 tonnes de thorium ainsi que 320 000 tonnes d'uranium appauvri sur notre sol, qui sont valorisables. De ce fait, le Stellarium permet une diversification des approvisionnements et une gestion de l'inventaire du plutonium civil, ainsi qu'un renforcement de notre souveraineté.

Les déchets de haute activité peuvent être transmutés dans notre réacteur, réduisant ainsi la demi-vie moyenne de ces déchets de 300 000 ans à 300 ans. De plus, le Stellarium ouvre la perspective nouvelle d'un renouvellement de 100 % du combustible pendant son fonctionnement normal : il remplace instantanément les matières fissionnées par des matières fertilisées au sein même de son coeur, comme une voiture qui renouvellerait son carburant. Cela permettra d'offrir une stabilité de production électrique inégalée et une grande continuité de service, donc de garantir une facture énergétique stable et prévisible pour les industriels.

Pour réussir ce projet, nous avons trois besoins immédiats. Premièrement, nous avons besoin de zones dédiées au sein des sites de recherche existants pour mener rapidement des expériences scientifiques. Deuxièmement, il est essentiel de mettre en place des procédures simplifiées pour obtenir les autorisations nécessaires à ces expériences à petite échelle. Ces autorisations devront être accordées dans le respect le plus strict des normes de sûreté, les exigences devant, comme le suggère un rapport de l'OPECST, être proportionnées au risque radiologique réel. Enfin, nous aurons besoin de créer en un temps record, avec nos partenaires Orano et le CEA, les sels combustibles de recherche nécessaires pour procéder à ces expériences. La simplification des autorisations pour ces combustibles de recherche sera également un enjeu majeur.

À plus long terme, il faudra envisager la perspective de nouveaux sites nucléaires permettant de déployer ces petits réacteurs dans des zones industrielles. Compte tenu de la crise énergétique et de l'explosion des besoins en uranium, l'heure des réacteurs à neutrons rapides est venue. Ils constituent la meilleure solution environnementale pour offrir une énergie à la hauteur des besoins industriels, une énergie souveraine, sûre, décarbonée, durable et renouvelable pendant des siècles.

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