Monsieur le président, mes chers collègues, « mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait Albert Camus.
Sans dramatiser à l’excès, que dire d’une matière, le sport, exclue depuis toujours de toute appellation officielle au sein des instances permanentes du Sénat, de l’Assemblée nationale, et même du Conseil économique, social et environnemental (Cese), exception faite de certains travaux ponctuels ou de groupes d’étude spécialisés ?
En tant que parlementaires, nous sommes satisfaits de cette reconnaissance, ainsi que des promesses qu’elle laisse entrevoir, car elle va bien au-delà de sa portée symbolique. À cet effet, je salue la détermination du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, qui a souhaité modifier notre règlement en ce sens. Ce volontarisme, accompagné de celui du président du Sénat et du président de la commission de la loi, a porté ses fruits.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec 15, 6 millions de licenciés, un chiffre encore plus élevé de pratiquants libres, 360 000 clubs associatifs, 3, 5 millions de bénévoles, 119 fédérations agréées par le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques et un poids économique de 71 milliards d’euros, soit 2, 6 % du PIB – autant que le secteur de l’hôtellerie-restauration –, le sport est le premier mouvement social de France. Il a toute sa place dans l’intitulé d’une commission permanente du Sénat.
À cet égard, notre commission de la culture s’est régulièrement préoccupée des véritables enjeux d’une politique nationale du sport, dont la place reste insuffisante dans le débat public et politique du pays.
Le match qui oppose le sport à ses dérives, parmi lesquelles le dopage, passera inévitablement par une redéfinition des liens entre le sport et l’argent, sujet ô combien tabou.
Sur le plan géopolitique, de nouveaux pays déploient un soft power particulièrement agressif : le Qatar, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis prennent le relais de la Russie et de la Chine. La France, au travers des grands événements sportifs internationaux (Gési), notamment, ne saurait relâcher ses efforts ; elle doit rester fidèle à une histoire, celle de la création par un Français des trois plus grands événements sportifs internationaux : les jeux Olympiques, la Coupe du monde de football, le Tour de France cycliste.
Sur la scène internationale du sport, le maintien de l’excellence française est essentiel. Le Parlement ne peut rester à l’écart de tous ces enjeux, d’où l’importance de notre débat de ce jour. Le sport est en effet un apprentissage des valeurs collectives, mais également un formidable vecteur de messages.
La présence massive du sport comme fait social est un révélateur des mutations de notre société : mondialisation, financiarisation, gigantisme, métropolisation, société de l’image et du divertissement, violences, individualisme… Dans un tel maelström, il devient difficile de promouvoir ses dimensions éducative, éthique et humaniste. À nous tous d’exercer une vigilance accrue !
Dans cette proposition de résolution, le terme « sport » recouvre tous les aspects suivants : activité physique quotidienne (APQ), activité physique adaptée (APA), EPS, activité physique et sportive (APS), disciplines fédérées, pratiques libres, etc. Le risque de confusion est sans doute réel, mais la lisibilité nous impose la simplicité.
La prise en compte du sport dans la vie de la Nation résulte d’une vision, celle de la place du corps dans la société. Cette problématique devient enfin d’actualité avec l’intérêt porté à la démarche Sport, santé, bien-être et à son triptyque : la santé physique – être bien dans son corps –, la santé mentale – être bien dans sa tête –, la santé sociale – être bien avec les autres.
Malheureusement, cette appréhension unitaire de l’homme fut longtemps entravée par une conception philosophique prédominante jusqu’au XXe siècle, celle de Descartes et de son dualisme : le corps d’un côté, l’esprit ou l’âme de l’autre.
Aujourd’hui, de nombreux chantiers restent ouverts, parmi lesquels la faiblesse budgétaire, l’insuffisance du nombre d’heures d’EPS dans notre système éducatif ou la réduction des inégalités sociales et territoriales d’accès à la pratique, qu’elle soit fédérée ou libre.
Dans l’immédiat, l’avenir du sport français dépendra du succès des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, notamment de la mise en œuvre des 170 orientations stratégiques de l’héritage olympique. La présente proposition de résolution peut être analysée comme la 171e orientation… Espérons qu’elle fera école à l’Assemblée nationale !