Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le suivi des mesures du Ciom ne fait que commencer ; il est encore trop tôt pour en tirer un bilan définitif. Toutefois, il faut saluer les premiers pas de ce dispositif. J’en soulignerai deux aspects positifs.
Le premier aspect positif est son caractère interministériel. En effet, les politiques publiques des territoires ultramarins sont éclatées entre différents ministères et ne relèvent pas du seul ministère de l’intérieur et des outre-mer. La présence, dans les comités de suivi, de tous les ministères concernés est fondamentale pour bien évaluer la mise en œuvre des mesures du Ciom et identifier les blocages.
Le second aspect positif est le choix d’une approche par territoire pour certaines mesures. Nous devons nous en féliciter. On a trop tendance, en effet, à englober nos territoires dans l’outre-mer au singulier, même si maintenant le pluriel – « les outre-mer » – est en passe de s’imposer.
La diversité de nos territoires n’est pas toujours perçue par nos amis de l’Hexagone. Elle constitue pourtant une richesse pour notre République.
Notre réalité à Mayotte, par exemple, est très différente de celle que connaissent nos amis réunionnais, alors que nous ne sommes pas très éloignés.
Nous vivons dans un territoire traumatisé, meurtri. La population souffre de la succession des crises : forte progression de l’insécurité, crise de l’eau, crise du dispositif de santé publique, système éducatif sous pression…
La poussée démographique est la plus forte du pays : 4 % par an. Les services publics ne suivent pas et les politiques publiques s’essoufflent dans la course de vitesse pour répondre aux besoins de la population. Alors que la plupart des autres territoires ultramarins voient leur population baisser, on compte, à Mayotte, 12 000 naissances chaque année, sur un territoire de 374 kilomètres carrés, dont la densité est déjà élevée – 2 600 habitants par kilomètre carré.
Entre la rentrée scolaire 2022 et la rentrée 2023, près de 2 500 élèves supplémentaires ont été comptabilisés.
J’étais encore maire il y a quelques semaines et j’ai pu mesurer la difficulté de cette course de vitesse pour faire face à la progression démographique.
Comment prévoir les ouvertures de classes pour les enfants quand le nombre d’inscriptions augmente considérablement entre le recensement de juin et le mois de septembre ? Avec une telle progression démographique, tous les chiffres relatifs à la population sont faux. Ainsi, je ne saurais pas vous dire aujourd’hui le nombre d’habitants de la commune que j’ai administrée pendant plusieurs années…
Les attentes de la population de Mayotte sont immenses. Les élus suivront attentivement la mise en œuvre des mesures du Ciom, qui doivent aider ce territoire plongé dans une grande détresse.
C’est d’autant plus difficile pour sa population que ce territoire a des atouts en matière de développement, notamment dans le secteur touristique. L’île dispose en outre de jeunes bien formés, qui s’investissent dans les nouvelles technologies et les métiers d’avenir.
Les mesures du Ciom spécifiques à Mayotte s’articulent autour des demandes des élus du territoire, qui souhaitent un projet de loi ad hoc et des mesures fortes pour sortir notre territoire de ces crises à répétition.
Nombre de mesures annoncées vont dans le bon sens : elles visent notamment à reprendre le contrôle de la démographie, à accompagner les politiques liées à l’enfance, à accélérer le processus de convergence des droits sociaux, à renforcer l’offre de soins à Mayotte…
Je tiens à souligner les efforts financiers qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2024, que notre assemblée a votés, avec le soutien du Gouvernement : je pense en particulier aux aides au conseil départemental en matière de politiques de l’enfance ou de développement du numérique.
Monsieur le ministre, je suis plus réservé sur la mesure 51 du Ciom, qui prévoit la création d’autorités uniques de gestion : celles-ci peuvent apparaître comme un moyen pour l’État de reprendre la main sur les compétences des collectivités territoriales.