Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un compromis sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels a été trouvé.
Malheureusement, il n'y avait pas grand-chose dans ce texte fourre-tout au début de son examen et, malgré un accroissement important du nombre de ses articles, il n'y a toujours pas grand-chose pour améliorer l'accès aux soins !
Le titre de cette proposition de loi laisse à penser que c'est l'engagement territorial des professionnels de santé qui ferait défaut pour que chacun ait accès aux soins.
Or le premier problème est qu'ils ne sont pas suffisamment nombreux dans nos territoires. Cela demande une véritable politique de santé publique assortie de moyens humains et financiers, faute de quoi nous sommes condamnés à appliquer des rustines. Et les Français, dont les principales préoccupations sont actuellement leur pouvoir d'achat et leur accès à la santé, ne s'en satisferont pas.
Le texte n'esquisse même pas l'ombre d'un début de régulation de l'installation des praticiens pour lutter contre la désertification médicale. Nous sommes pourtant de plus en plus nombreux à le proposer, pour répondre aux besoins de nos concitoyens sans médecins généralistes ou confrontés à des délais de rendez-vous indécents.
De même, sur la question des dépassements d'honoraires, majorité sénatoriale et camp présidentiel sont main dans la main : nous avons proposé d'encadrer ces dépassements, vous l'avez refusé.
L'étude publiée il y a quelques jours par l'UFC-Que Choisir montre pourtant les effets délétères de leur développement incontrôlé : en 2021, plus de 70 % des gynécologues, 66 % des ophtalmologues et 48 % des pédiatres pratiquaient des dépassements. Ces proportions ont augmenté d'une dizaine de points en cinq ans.
Sur la permanence des soins, on nous annonçait des progrès. Mais, là encore, quelle déception ! Les hôpitaux publics continueront d'assumer seuls les gardes de nuit et le week-end, les cliniques privées étant sollicitées seulement après le constat d'une carence et de sa persistance. Ce n'est qu'alors que l'ARS demandera aux établissements privés d'y participer, sans qu'on sache vraiment s'ils y seront contraints.
En pleine renégociation de la convention entre médecins libéraux et sécurité sociale, il eût été judicieux d'imposer, en contrepartie de la revalorisation des tarifs, des conditions de permanence des soins les soirs et les week-ends.
Lorsque l'exercice libéral n'est pas, ou n'est plus, en mesure d'assurer l'accès aux soins de nos concitoyens, la puissance publique doit reprendre la main. Il ne peut y avoir, dans notre République, de citoyens de seconde zone, dont la santé serait moins importante que celle des autres.
Certes, quelques mesures vont dans le bon sens, comme la création d'un indicateur territorial régulièrement actualisé et l'accès au CESP dès la deuxième année.
Le CESP peut être un outil pour démocratiser les études de santé et permettre à des jeunes de familles modestes de s'engager dans des études de médecine, mais il est injuste que seuls ceux-ci aient des contraintes d'installation. D'ailleurs, en deuxième année, ils ne savent pas forcément encore vers quelle spécialité ils voudront ou pourront se diriger.
Nous l'avons dit durant nos débats, il est nécessaire de former dès à présent beaucoup plus de professionnels de santé pour faire face aux besoins de la société. Il faut donner aux universités et aux instituts de formation les moyens d'augmenter le nombre d'étudiants et de tuteurs, de formateurs, de terrains de stage. En attendant que les futurs professionnels de santé soient formés, il faut mettre fin à la démission massive des personnels, en revalorisant les carrières, les rémunérations et surtout les conditions de travail à l'hôpital.
Je pense également aux Padhue, indispensables aujourd'hui dans nos hôpitaux, mais qui ne sont ni rémunérés ni reconnus à la hauteur de leurs compétences.
L'inquiétude est évidemment très forte pour ceux qui risquent de se retrouver sans contrat le 31 décembre prochain, donc sans droits. Alors que 6 millions de concitoyens n'ont pas de médecin généraliste, que les services d'urgences sont débordés, nous ne pouvons pas nous passer de ces professionnels formés. Il faut en tirer toutes les conséquences.
Pour l'ensemble de ces raisons, notre groupe CRCE-K ne soutiendra pas ce texte.