Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait des années que le constat du manque d'accessibilité aux soins a été dressé.
Cela fait des années que nous vous alertons, toutes tendances politiques confondues, sur la désespérance de nos concitoyens face à la difficulté de trouver un médecin, des années que nous demandons une loi ambitieuse de réorganisation complète de notre système de santé pour garantir l'accès aux soins dans notre pays, partout et pour tous.
La situation est telle que, aujourd'hui en France, 1, 6 million de personnes renoncent chaque année à se faire soigner, s'exposant ainsi à une perte de chance aux conséquences parfois dramatiques.
Pourtant, le texte que nous examinons aujourd'hui n'a pas la portée nécessaire pour répondre à cette situation.
Certes, nous avons soutenu un certain nombre de mesures : celles qui visent à limiter le nomadisme médical, la possibilité de signer dès la deuxième année de premier cycle un contrat d'engagement de service public, ainsi que son élargissement aux étudiants en maïeutique et en pharmacie, ou encore la consécration du statut d'infirmer référent pour les patients en affection de longue durée.
Toutefois, ces mesures nous semblent insuffisantes. Certaines questions, pourtant majeures, sont absentes de cette proposition de loi. Ainsi, ni la problématique de l'attractivité de la médecine générale ni la formation des médecins ne sont abordées. Ces leviers sont pourtant fondamentaux pour mettre fin à la situation de pénurie et pour lutter contre la désertification médicale.
La question de l'exercice coordonné de la médecine en équipe de soins pluriprofessionnelle de proximité n'apparaît pas non plus dans le texte, malgré les préconisations de l'ordre des médecins en ce sens.
Une organisation des soins coordonnée et centrée sur la répartition des actes entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé au travers d'un protocole dûment établi par l'équipe permettrait pourtant de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en ALD.
De plus, de nombreuses mesures semblent inefficaces et ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Tout d'abord, la création de conseils territoriaux de santé sans aucun pouvoir de décision nous apparaît comme un échelon supplémentaire inutile. Elle n'est pas de nature à favoriser la démocratie sanitaire que nous appelons tous de nos vœux.
De même, l'obligation pour les médecins de déclarer six mois à l'avance leur départ à la retraite n'est assortie d'aucune contrainte et n'a donc pas de portée.
Nous déplorons également l'absence d'obligation de participer à la PDSA pour les médecins libéraux ou à la PDSES pour les établissements privés.
La mise en place du volontariat a entraîné la dégradation de la permanence des soins, qui a pour effet direct l'engorgement des urgences. Il était indispensable de rétablir la PDSA obligatoire et de l'organiser par territoire. Là encore, toutefois, le texte manque cruellement d'ambition.
Le mercenariat que pratiquent aujourd'hui certains médecins à l'hôpital est indécent. Nous partageons donc la nécessité de lutter contre cette dérive. Pour autant, la mesure préconisée ne concernera que les jeunes médecins en fin d'études, d'où une discrimination par l'âge qui n'est pas souhaitable.
Enfin, nous regrettons la disparition, dans ce texte, du nouvel indicateur territorial de l'offre de soins, construit comme un véritable outil dans l'élaboration des politiques de santé.
De toute évidence, ce texte manque cruellement de vision quant au système de santé que nous voulons garantir à la population.
Aussi, le 21 novembre dernier, l'association UFC-Que choisir a déposé un recours devant le Conseil d'État, pour dénoncer l'inaction du Gouvernement face aux inégalités croissantes d'accès aux soins et pour lui enjoindre d'agir.
« Après des années de négociations auprès des décideurs politiques qui restent sans réponse », explique l'association, l'UFC-Que choisir saisit aujourd'hui le Conseil d'État « pour faire constater et sanctionner la coupable inaction gouvernementale » et pour « défendre le droit constitutionnel à la santé ».
Il appartient en effet à l'État d'apporter une réponse ambitieuse aux territoires abandonnés par le service public.
Madame la ministre, vous ne pouvez ignorer plus longtemps l'inquiétude de nos concitoyens. Elle suscite un sentiment d'abandon et alimente, malheureusement, l'abstention électorale ou le vote d'extrême droite.