Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat, les salariés peuvent utiliser leurs titres-restaurant pour l'achat de produits alimentaires, ainsi que, par dérogation, pour l'achat de produits alimentaires non directement consommables, dans les grandes et moyennes surfaces.
Le Gouvernement, qui n'a pas anticipé la fin de ce dispositif au 31 décembre 2023, a été contraint de faire déposer cette proposition de loi par sa majorité à l'Assemblée nationale.
Les titres-restaurant sont un acquis social pour les salariés, qui les utilisent pour eux-mêmes, leur famille, et même en geste de solidarité auprès des plus précaires.
Nous vivons une époque de forte inflation, les prix des produits alimentaires ayant progressé de 7, 8 % en octobre, après une progression de 20 % entre 2021 et 2023. Dans ce contexte, le nombre de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté, alors qu'elles travaillent, ne cesse d'augmenter, et 16 % des Français déclarent avoir faim, contre 9 % voilà quelques années.
Aussi, la question au cœur des débats doit être non pas celle de la prolongation ou de la pérennisation de l'exception ouverte à l'usage des tickets-restaurant, mais celle de l'indexation des salaires sur l'inflation.
En effet, le pouvoir d'achat est la préoccupation principale de nos concitoyens. Pour remplir leur caddie, les salariés utilisent les bons de réduction et les points cumulés sur leurs cartes fidélité, mais aussi leurs titres-restaurant, pour tenter de faire baisser la facture. Dans les faits, ces derniers sont devenus un moyen détourné de faire face à la hausse des prix alimentaires.
On ne peut reprocher aux salariés de faire leurs courses du quotidien avec ces moyens de paiement dans les grandes surfaces, alors que le Gouvernement refuse toute mesure de revalorisation des salaires.
Dans la précipitation due, je le répète, à l'imprévoyance du Gouvernement, il faut prolonger ce dispositif, mais nous devons mener une réflexion, avant le 31 décembre 2024, sur les pistes d'évolution des titres-restaurants.
Ce dispositif dérogatoire constitue une mesure ponctuelle et ciblée, qui ne doit pas s'inscrire dans la durée et devenir la règle. En effet, cette évolution des titres-restaurant en moyens de paiement ordinaires pour tout produit de consommation induit un risque de dénaturation de leur usage. Partant, cela pourrait remettre en cause, à terme, leur raison d'être.
Pour nous, la question de l'augmentation des salaires par les employeurs reste centrale. En effet, les titres-restaurant sont de facto une subvention de l'État aux entreprises, puisque celui-ci prend en charge un tiers de la part patronale. Or nous ne pouvons continuer d'enrichir les plateformes de livraison ubérisées avec de l'argent public, alors que ces entreprises ne respectent pas les droits sociaux élémentaires de leurs propres salariés.
Dès lors, une réflexion sur les tickets-restaurants doit être menée, et cela en priorité par les représentants syndicaux au sein de la CNTR.
Le décrochage des salaires par rapport à l'inflation est un problème majeur, qui a plongé de nombreux ménages dans la précarité alimentaire.
En définitive, face à l'ampleur de la crise sociale, nous pensons que l'extension des titres-restaurant ne saurait constituer une réponse complète et satisfaisante. Néanmoins, elle constitue une mesure immédiate nécessaire pour de très nombreux salariés et leurs familles.
Pour cette raison, nous voterons en faveur de la proposition de loi.