Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le dispositif des titres-restaurant bénéficie aujourd'hui à 19 % des salariés, soit à 5, 2 millions de personnes.
Il permet le cofinancement par l'employeur et par le salarié d'un titre de paiement destiné à l'achat d'un repas par un salarié ne bénéficiant ni d'une cantine ni d'un restaurant d'entreprise. En contrepartie, la part financée par l'employeur est exclue de l'assiette des cotisations et des contributions sociales.
En principe, le repas acheté avec un titre-restaurant doit correspondre à une préparation alimentaire directement consommable. On pense évidemment à un plat servi dans un restaurant, mais aussi à un plat préparé, acheté en grande surface ou dans un commerce de bouche.
Créé en 1967, le titre-restaurant n'a pas été conçu comme un moyen de soutenir le pouvoir d'achat des Français. Mais l'inflation exceptionnelle des dernières années a dû conduire à un élargissement de son cadre, parmi d'autres mesures instaurées pour soutenir le pouvoir d'achat de nos concitoyens.
Tout d'abord, en 2022, son plafond d'utilisation journalier a été rehaussé de 19 euros à 25 euros.
Ensuite, il en a été de même du plafond d'exonération de la part de l'employeur.
Enfin, sur l'initiative de notre commission des affaires sociales, la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat a ouvert un régime dérogatoire temporaire permettant l'utilisation des titres-restaurant pour l'achat de tout produit alimentaire, directement consommable ou non. La validité de ce dispositif est prévue jusqu'au 31 décembre de cette année.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à prolonger cette dérogation d'un an, en l'étendant jusqu'au 31 décembre 2024.
Notre groupe votera cette proposition de loi, parce que le contexte la justifie. Même si elle ralentit, l'inflation est encore présente, notamment sur les prix de l'alimentation. Nombre de Français doivent encore sortir la calculatrice au moment de faire leurs courses.
Nous partageons tout de même une interrogation soulevée lors de l'examen du texte en commission : que ferons-nous dans un an ? Revenir en arrière pourrait être difficile. La prolongation du régime dérogatoire d'une année devrait donc conduire à une réflexion plus large, sans qu'il soit besoin d'attendre le mois de décembre 2024.
Je l'ai déjà indiqué, ce dispositif a été créé en 1967. Réinterroger son objet et ses modalités plus d'un demi-siècle plus tard n'aurait rien de déraisonnable. La société a largement évolué depuis les années 1960, ainsi que les préférences des salariés et des consommateurs.
On sait depuis longtemps que le titre-restaurant ne permet pas à tous ses bénéficiaires de manger au restaurant, soit que leur pause déjeuner ne soit pas suffisamment longue, soit qu'ils ne disposent pas d'un restaurant à proximité immédiate de leur lieu de travail, en ruralité notamment. Ces mêmes personnes n'ont pas forcément envie de manger tous les jours un sandwich ou une salade industrielle achetés en supermarché.
Nous savons également que beaucoup de salariés préfèrent préparer leurs repas chez eux et l'emporter à leur travail, ce qui leur permet souvent de manger mieux et pour moins cher.
Prendre en compte cette évolution des préférences des salariés me semble évident. Certes, les titres-restaurant n'ont pas été créés pour cela, mais, encore une fois, ils l'ont été il y a bientôt soixante ans.
J'insiste sur le temps qui est nécessaire pour évaluer l'impact d'une évolution pérenne du dispositif. En effet, cette évolution ne devrait pas se faire au détriment des restaurateurs qui, après avoir subi la crise sanitaire, subissent encore de plein fouet les difficultés de recrutement, ainsi que la hausse du coût des matières premières et de l'énergie.
Je connais aussi les difficultés actuelles que nombre de restaurateurs rencontrent pour être remboursés des titres papier, depuis la fermeture des centres de traitement des titres-restaurant au début de cette année. Je pense que la dématérialisation totale du dispositif est attendue.
Les salariés subissent eux aussi cette inflation de toute part et doivent de plus en plus procéder à de nouveaux arbitrages financiers, qui peuvent changer fondamentalement leurs habitudes. Nous devons y être attentifs.
Nous soutenons donc cette proposition de loi, et plus généralement l'idée d'une réforme plus large du titre-restaurant afin d'adapter son cadre à notre époque, qui devra tenir compte de façon équilibrée des nouvelles aspirations des salariés comme des intérêts des restaurateurs.