Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objectif de cette proposition de loi initiée par Jean-Marc Zulesi est de contribuer à un essor puissant des mobilités durables du quotidien.
Cet essor puissant ne correspond pas à une volonté nouvelle, mais a déjà connu des annonces et des échecs. Dès 1995, l’idée de RER en province surgit, mais elle est vite reléguée par d’autres priorités à grande vitesse. En 2007, le Grenelle de l’environnement fixait comme objectif que la part modale du ferroviaire atteigne 20 % du volume des transports en 2020. Cette trajectoire et cet objectif ont été largement manqués.
L’idée a ressurgi en 2018, dans le premier rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), dirigé par Philippe Duron. Elle a ensuite été reprise dans la LOM en 2019, avant que le Président de la République n’annonce l’an dernier un déploiement du réseau pour dix métropoles et que le dernier rapport du COI ne précise cette ambition au cœur de ses recommandations.
Des intentions, des annonces, mais qu’en est-il concrètement ? Aujourd’hui, une dizaine de projets sont identifiés, en net retard par rapport à une bonne partie de l’Europe. Nombre de ces projets n’avancent pas vraiment clairement : seules ressortent les exceptions du Léman Express dans l’espace transfrontalier suisse, du RER métropolitain de Bordeaux, ainsi que de Strasbourg, où le réseau express métropolitain européen a montré autant les embûches et les nettes difficultés posées par la modernisation d’un nœud ferroviaire complexe que les progrès qui y sont possibles, avec, somme toute, une très forte augmentation du nombre des dessertes.
Avec cette proposition de loi, nous avons enfin un texte utile pour faciliter les Serm et leur donner de la cohérence. Cette ambition est tout simplement d’en finir avec la logique selon laquelle 90 % des déplacements compris entre 10 kilomètres et 80 kilomètres sont réalisés en voiture, la plupart du temps seul. Pour nos concitoyens résidant hors de l’Île-de-France, à peine 2 % des kilomètres parcourus chaque année le sont en TER. Il faut changer la donne, ou alors il devient inutile de parler de décarbonation ou de sobriété énergétique des transports.
Nos grands bassins de transport sortiront de la mobilité subie du tout-voiture lorsque l’offre de TER, de transports publics et de cars express sera attractive, parce qu’elle sera continue, cadencée et bien connectée avec les mobilités durables de rabattement de premier et de dernier kilomètre que sont le vélo, le covoiturage et l’autopartage. C’est ce développement qu’il faut réussir.
La présente proposition de loi est le fruit d’un travail riche et transpartisan entre les deux chambres. Elle résulte aussi de nombreux échanges avec les élus locaux, les métropoles, la Société du Grand Paris, la SNCF, auxquels j’ai voulu contribuer en organisant un colloque à ce sujet au Sénat.
Le travail accompli par la commission lors de l’examen du texte a été positif. Les ajustements de convergence, lors de la commission mixte paritaire, ont été constructifs. Je salue à cet égard notre collègue Philippe Tabarot et son homologue de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Zulesi.
Le texte comprend des dispositions innovantes et pertinentes pour permettre le déploiement des Serm, garantir leur maillage territorial et la multimodalité, y intégrer de façon cohérente les réseaux des différents modes de transport et assurer leur gouvernance. Il tire parti de l’expérience de la Société du Grand Paris, notamment de sa faculté à mobiliser les taxes affectées et à capter une part de la rente foncière profitant de l’attractivité dégagée.
Il est déterminant pour l’avenir que les « réseaux cyclables » aient été placés dans le corps de l’article 1er avant et non après les « cas échéants » énumérés, car ils sont, avec les bus et les cars express, des accélérateurs d’intermodalité et de décarbonation. Grâce à l’interopérabilité billettique, et à condition de diffuser l’information auprès des voyageurs, l’on renforcera la fluidité à laquelle aspirent les usagers.
Notre groupe est satisfait de la mention claire du caractère « gratuit » de la remise des nouvelles infrastructures à SNCF Réseau. Nous espérons que la question des péages ferroviaires sera effectivement reconsidérée, afin que ceux-ci ne freinent pas le développement des Serm, sans compromettre pour autant les moyens de régénérer et de moderniser le réseau ferré.
Par contre, nous n’approuvons pas l’article 5 ter A, qui a pour conséquence d’imputer les consommations foncières résultant des Serm au forfait national des projets d’intérêt général exempté de l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Cela nous semble contre-productif, car ces projets d’intérêt régional ont leur place dans le forfait régional !
Reste la lourde incertitude du financement. Bien sûr, une proposition de loi ne peut pas déterminer une telle programmation financière, mais l’examen parlementaire a permis de faire monter la pression sur ce point. Personne ne peut plus nier qu’il est nécessaire de construire des trajectoires financières afin d’assurer les coûts d’exploitation devant les fortes augmentations de services et les éventuels investissements nouveaux.
L’apport sénatorial que constitue le rendez-vous de la conférence nationale de financement est essentiel. À ce jour, seulement 767 millions d’euros ont été attribués pour cinq ans, dans le cadre des contrats de plan État-région.
Monsieur le ministre, à vous de jouer pour que, par une programmation, votre gouvernement propose des financements solides et stables pour les Serm.
C’est avec cette attente forte et en exigeant de ne pas revivre une nouvelle grande annonce déçue que mon groupe votera pour ce bon texte.