Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont proposé des dizaines d’amendements à ce texte ; malheureusement, tous ont été rejetés. Je regrette que nos propositions de bon sens n’aient pas été entendues dans le cadre d’une procédure bizarrement accélérée.
Dans le même temps, à quelques mois des jeux Olympiques, les Franciliens ont connu ces dernières semaines des conditions de transport déplorables.
IDFM et sa présidente, Mme Valérie Pécresse, ont ainsi déploré une « nouvelle dégradation des services de transport » et ont rappelé à la RATP et à la SNCF la « nécessité de remonter la pente ». Tous ceux qui prennent les transports en commun en Île-de-France peuvent être d’accord avec ce constat. Malheureusement, la situation ne devrait pas s’arranger avec l’adoption de ce texte, et Mme Pécresse ne devra pas échapper à sa responsabilité.
En effet, l’idée brillante, originale et inédite de la présidente de la région, du Gouvernement et, plus récemment, des majorités parlementaires, c’est qu’une ouverture à la concurrence, soit une privatisation de la RATP, devrait régler une telle situation.
Rappelons-le, la RATP a été créée en 1949 pour répondre à la désorganisation totale du réseau de transports, alors géré par plusieurs entreprises privées. Cette proposition de loi nous ramène ainsi tout droit à la fin du XIXe siècle. Au moins, avec ce texte, vous aurez réussi à inventer la machine à remonter le temps !
Le risque est donc d’accentuer encore davantage – oui, c’est possible ! – la galère dans les transports.
En effet, les exemples d’échecs d’une ouverture à la concurrence sont multiples. Dans le secteur de l’énergie, plus de vingt ans après la première dérégulation, les tarifs ont augmenté en même temps que la précarité énergétique.
Dans le secteur du fret ferroviaire, la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit des transports routiers, bien plus polluants. À l’étranger, même le Royaume-Uni fait marche arrière et en revient à une gestion publique.
Mes chers collègues, l’ouverture à la concurrence des réseaux de bus franciliens ne fera malheureusement pas exception. Les leçons de la privatisation du réseau Optile n’ont pas été tirées.
Voilà deux ans, pour remporter les appels d’offres, les sociétés de transport ont rogné sur les acquis sociaux et les conditions de rémunération.
Je le rappelle, dans le secteur du transport, la masse salariale et les cotisations sociales représentent 70 % du prix de production.
Dans le département du Val-d’Oise, il aura fallu des grèves dans plusieurs dépôts – Saint-Ouen-l’Aumône, Beauchamp, Argenteuil, Saint-Gratien, Genainville ou Magny-en-Vexin – pour arracher des accords sociaux encore insatisfaisants.
Aujourd’hui, ces mêmes sociétés alertent : la maquette économique n’est pas réaliste. Elles demandent à revoir les conditions de rémunération du personnel à la hausse, tout simplement pour trouver des chauffeurs.
Élu du Val-d’Oise, je mesure déjà les conséquences de ce choix pour les territoires de la grande couronne et pour le personnel de la RATP.
Nous le savons déjà, cette ouverture à la concurrence entraînera moins de bus, des lignes supprimées et une colère encore plus forte de la part des usagers des transports en commun, tant le réseau de bus est primordial pour garantir le droit à la mobilité et limiter le nombre de voitures sur nos routes.
Encore une fois, les maires de nos communes devront faire le service après-vente, seuls et abandonnés. Mais nous avons l’habitude !
Et quel destin pour les salariés de la RATP ? Dans la perspective de l’ouverture à la concurrence en 2025, ils ont vu leurs acquis sociaux démantelés, leurs rémunérations comprimées, leur temps de travail allongé. Une telle dégradation est à l’origine d’une hémorragie des effectifs qui détériore le service. Il manque aujourd’hui 1 700 emplois de chauffeurs de bus.
Face à cette situation, Madame Valérie Pécresse a annoncé un « sac à dos social » préservant certains acquis. Toutefois, il ne s’appliquera pas à tous les agents de la RATP. Ainsi, les opérateurs de maintenance n’y ont pas droit, ce qui crée d’emblée d’importantes inégalités.
Enfin, telle que rédigée actuellement, votre proposition de loi n’apporte pas de réponse à la suppression de la double garantie d’emploi et de retraite, pour les agents statutaires de la RATP. La perte de ces garanties issues de la loi LOM serait préjudiciable pour la suite de la carrière des salariés concernés.
L’ouverture à la concurrence aura également des conséquences financières dramatiques pour IDFM. Pourtant, vous tenez toujours le même discours, selon lequel la privatisation serait source d’économies. Mais où seront-elles ? IDFM devra trouver 4, 9 milliards d’euros pour racheter les biens de la RATP. Comme toujours, on nationalisera les pertes et on privatisera les profits ! Toute cette opération est financièrement très approximative et bien mal préparée.
Pour preuve, la région a décidé d’étaler l’ouverture à la concurrence entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026. Personne n’est dupe d’une telle manœuvre : il s’agit de reporter une contestation sociale d’ampleur après les jeux Olympiques.
Avec les sénateurs du groupe CRCE-K, nous pensons qu’une autre voie est possible. Nous déposerons prochainement une proposition de loi visant à reporter l’ouverture à la concurrence, faciliter la création d’une régie régionale et recentrer les activités de la RATP.
Nous voterons donc contre cette proposition de loi.