Nous n’allons pas rejouer les débats que nous avons déjà eus, en commission comme en séance, mais je souhaite une nouvelle fois pointer la procédure législative débridée, pour rester dans le champ lexical des transports, qui a présidé à l’examen de ce texte déposé le 29 septembre. Le véhicule législatif choisi, la proposition de loi, a permis de se passer d’une étude d’impact, document pourtant absolument nécessaire en l’espèce, et nous a empêchés de bénéficier de l’avis du Conseil d’État.
Cette démarche – chacun l’a rappelé, par-delà les divergences d’interprétation – est le fruit d’un accord assumé entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, la présidente d’Île-de-France Mobilités revendiquant sa proximité avec cette dernière.
Nous le réaffirmons, et il n’y a là de notre part aucune posture, l’ouverture à la concurrence de ces services n’était pas une obligation européenne : il faut être très clair là-dessus.
La concurrence n’est pas une solution magique, au contraire, comme l’ont montré les expériences malheureuses du réseau Optile : dysfonctionnements très sérieux, problèmes économiques et financiers très importants pour les entreprises délégataires.
Cela a été rappelé, le débat sur la concurrence est tranché depuis longtemps. C’est vrai : il l’est depuis quinze ans. Mais qu’a-t-il été fait en quinze ans pour qu’à un an de l’échéance nous ne soyons toujours pas prêts ? Chacun doit s’interroger sur ses responsabilités à cet égard…
Pour ce qui est du calendrier, nous redisons que ce texte témoigne, de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, d’une précipitation visant à enjamber les jeux Olympiques et Paralympiques et à éviter un crash industriel. L’article 40 de la Constitution nous a empêchés d’aller plus avant dans cette voie, mais nous proposions une date postérieure à 2028.
Nous ne sommes pas opposés par principe aux délégations de service public. Dans le cadre des collectivités où nous siégeons, il nous arrive d’en voter ; encore faut-il que les conditions de réussite soient réunies. En l’occurrence, de notre point de vue, elles ne le sont pas.
Tout d’abord, et comme nous avons déjà eu l’occasion de le souligner, la dislocation du réseau historique en treize lots et la séparation afférente des modes de transport suscitent des interrogations très fortes. La façon dont seront gérés les incidents pose question, comme l’intermodalité, qui est aujourd’hui garantie par l’unicité du réseau. Chaque lot équivaudra à une métropole de la taille de Rennes ou de Nantes : cela ne s’improvise pas…
Concernant ensuite la soutenabilité financière, sujet sur lequel beaucoup de collègues ont insisté, IDFM fait face à un mur d’investissements et, malgré quelques évolutions annoncées, le compte n’y est pas.
De la même façon, pour ce qui est du rôle dévolu à l’Autorité de régulation des transports, nous soutenions évidemment la position selon laquelle il doit lui revenir de s’occuper des différends. Encore faut-il, là aussi, qu’elle en ait les moyens. Et nous espérons que l’accord ayant prévalu entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale permettra d’accélérer sur ce point.
Pour ce qui concerne enfin les garanties sociales, nos demandes n’ont pas été entendues – nous le regrettons très vivement – et le compte, là encore, n’y est pas, qu’il s’agisse des rémunérations, des retraites ou des recrutements. Les expériences liées à la mise en concurrence du réseau Optile démontrent que ces interrogations et ces inquiétudes sont parfaitement justifiées ; les organisations syndicales ont d’ailleurs rappelé aussi leur très forte préoccupation et leurs désaccords nombreux.
Nous le voyons bien avec cette proposition de loi, des risques très élevés d’embouteillage et même de carambolage pèsent sur la continuité et la qualité du service public rendu à des millions de nos concitoyens en région Île-de-France.
En cohérence avec les positions déjà exprimées en première lecture par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, en commission comme en séance publique, nous voterons contre cette proposition de loi.