Mesdames, messieurs les sénateurs, ces dispositions appellent quelques explications de ma part, d’autant que l’Europe ne manquera pas de consulter nos travaux, ce qui, évidemment, nous oblige.
L’amendement n° 25 tend à supprimer la possibilité, pour le tiers prévenu de la garde à vue, de demander un examen médical. Cette disposition me semble pourtant cohérente avec la possibilité, pour toute personne gardée à vue, d’informer tout tiers de la mesure, quelle que soit sa qualité.
Parallèlement, cet amendement vise à supprimer l’obligation pour l’avocat de se présenter sans retard indu. Cette exigence relève effectivement davantage de la déontologie de cette profession que du code de procédure pénale. En outre, l’imprécision des termes retenus rendra difficile toute mise en œuvre de cette mesure.
Par ailleurs, cette mention est insérée après la notification des charges à l’avocat, au sein d’un même alinéa ; or elle est sans lien avec l’obligation de se présenter sans délai au service d’enquête.
Enfin, cet amendement tend à supprimer la possibilité de procéder à l’audition immédiate d’une personne gardée à vue sans avocat.
Dans sa version initiale, l’article 28 se contentait de permettre un report de la présence de l’avocat ; désormais, il autorise l’audition immédiate de la personne gardée à vue.
Certaines situations exigent bel et bien l’audition immédiate d’une personne gardée à vue, mais elles ne justifient pas toujours que l’on s’oppose à l’intervention de l’avocat.
Il me semble donc nécessaire de prévoir expressément que l’audition immédiate de la personne peut avoir lieu sous certaines conditions et de manière strictement encadrée : demande motivée de l’officier de police judiciaire (OPJ), autorisation nécessaire du procureur uniquement lorsqu’il s’agit de prévenir une atteinte grave à la vie ou d’éviter qu’une procédure pénale ne soit sérieusement compromise.
Dans ces conditions, je suis triplement défavorable à l’amendement n° 25.
L’amendement n° 14 tend à préciser que la saisine du bâtonnier aux fins de désignation d’un avocat commis d’office intervient à l’expiration du délai de deux heures si l’avocat ne s’est pas présenté. Le texte adopté par la commission spéciale prévoit la saisine du bâtonnier au bout de deux heures lorsque l’avocat ne peut être contacté, ou a déclaré ne pas pouvoir se présenter, ou encore ne s’est pas présenté.
Votre proposition, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, a le mérite de simplifier la rédaction de ces dispositions et permet de lever toute ambiguïté. Aussi, j’y suis évidemment favorable.
L’amendement n° 28 vise à permettre à l’avocat qui se présente, alors qu’une audition ou une confrontation a déjà eu lieu, de consulter les procès-verbaux afférents. J’y suis favorable sur le principe, dans la mesure où je constate que le dispositif aura pour effet de supprimer la possibilité pour l’avocat de consulter les procès-verbaux d’audition, lorsque cette audition s’est déroulée en sa présence.
En revanche, le même amendement n° 28 a pour objet de préciser que la renonciation à la présence de l’avocat est mentionnée au procès-verbal récapitulatif. Or, comme je l’ai expliqué, cette mesure rendrait une telle mention inopérante.
Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement, au profit de l’amendement n° 14.
L’amendement n° 24 vise à rétablir le délai de carence de deux heures et la possibilité d’une audition immédiate pour les seules nécessités de l’enquête. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de maintenir dans la même rédaction les trois premiers alinéas de l’article 63-4-2 du code de procédure pénale, c’est-à-dire les clauses pour lesquelles nous faisons l’objet d’une procédure précontentieuse de la part de la Commission européenne.
Je note par ailleurs que ce dispositif n’est pas cohérent avec l’exposé des motifs qui lui est associé, dans lequel le groupe communiste fait seulement part de son opposition à la possibilité de commencer les auditions, même si l’avocat ne s’est pas présenté.
Sur le fond, comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, les termes de l’avis motivé rendu par la Commission européenne commandent que notre droit soit modifié pour se conformer aux exigences européennes. Je suis, par voie de conséquence, fermement défavorable à l’amendement n° 24.
L’amendement n° 7 tend à modifier les critères permettant d’ordonner le report de l’assistance de l’avocat ou l’audition immédiate de la personne gardée à vue sans son avocat.
Ce report se ferait afin de « permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves » actuellement prévues par le code de procédure pénale, plutôt que dans celui d’« éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale », qui correspond littéralement à ce que prévoit la directive 2013/48/UE, dite directive C.
Ce projet de loi constitue un exercice de transposition, et la meilleure façon de transposer la réglementation européenne est de nous en tenir aux termes de l’article 3 de ce texte. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 7.
Enfin, l’amendement n° 15 est pertinent et de bon sens, puisqu’il vise à supprimer la faculté d’autoriser l’audition immédiate d’une personne gardée à vue pour des motifs liés à l’éloignement géographique du lieu où se déroule la garde à vue. Je suis donc favorable à cet amendement.