Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 8 décembre 2023 à 14h45
Loi de finances pour 2024 — Compte de concours financiers : prêts à des états étrangers

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pandémie, guerre, inflation, catastrophes climatiques… Partout dans le monde, les crises se succèdent et l’accès aux ressources et aux services de base devient difficile pour des centaines de millions de personnes.

Faim, manque d’eau et de médicaments, accès limité à l’éducation… Alors que de nombreux pays ne parviennent plus à assurer les besoins les plus élémentaires de leur population, la solidarité internationale est une nécessité non seulement humaniste, mais aussi d’intérêt national, car les crises qui touchent des pays lointains finissent toujours par nous affecter à notre tour.

Pour cela, la France déploie, principalement au travers de l’AFD, un important budget d’aide publique au développement, le quatrième au niveau mondial.

À première vue, nous pourrions nous en féliciter. Pourtant, dans ce domaine aussi, l’heure est à l’austérité. Le montant que vous nous proposez, 5, 9 milliards d’euros, est exactement le même que celui de cette année ; en tenant compte de l’inflation et de la montée des taux, cela revient à réduire nos dépenses de solidarité internationale.

Au-delà du montant brut, il faut regarder ce que ce montant représente au regard de notre richesse nationale : 0, 55 % de notre RNB, bien loin des 0, 7 % promis par la France à la tribune des Nations unies dès 1970.

Nous semblions pourtant sur le bon chemin : la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui fait de l’aide publique au développement un pilier de la politique étrangère française, fixait un objectif de 0, 7 % pour 2025.

Mais voilà, un comité interministériel de la coopération internationale et du développement organisé cet été a décidé de repousser ce calendrier à 2030. Cela fait donc cinquante-trois ans que les pays les plus pauvres attendent que nous respections nos engagements. Dès lors, pourquoi pas cinq ans de plus, direz-vous ?

Derrière ces opérations comptables, ce sont des milliards d’euros qui ne seront pas consacrés à l’éducation, à la santé, à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la protection du climat ou à la lutte contre la faim. Or nous sommes en train de régresser sur ces terrains, comme l’a rappelé l’ONU en septembre, à mi-parcours de l’agenda 2030.

Alors que la faim, l’extrême pauvreté ou encore le travail des enfants progressent à nouveau, la France doit renforcer son aide internationale et non la réduire.

La distribution de l’aide au développement pose également question. La loi du 4 août 2021 prévoit que 65 % de cette aide soit attribuée sous forme de dons et non de prêts. Or la France est en troisième position des membres de l’OCDE qui favorisent le plus ces derniers.

On sait pourtant que ceux-ci n’aident pas véritablement les pays qui les reçoivent, lesquels sont souvent au bord de la faillite. Ce constat va encore s’aggraver avec la montée actuelle des taux.

La loi prévoit également que la part d’aide publique au développement transitant par les organisations de la société civile atteigne environ 15 %. Votre budget atteint seulement 8 %, soit autant de moyens en moins pour les ONG, pourtant reconnues pour leur travail de terrain.

Enfin, les organisations regroupées au sein de Coordination SUD sont très inquiètes, notamment de la suspension pure et simple de toute aide au Mali, au Niger et au Burkina Faso, décidée cet été en réaction aux coups d’État anti-français dans la région.

Certes, nous pouvons concevoir que la France stoppe des programmes de coopération avec ces pays à la suite des changements de régime, mais sacrifier l’aide aux populations civiles pour des raisons géopolitiques est une grave erreur.

Qui va pâtir, par exemple, de l’arrêt de quatre projets d’accès à l’eau potable ? Les militaires au pouvoir ou les populations ? Comment espérez-vous redorer le blason de la France dans la région en agissant ainsi ? Comment faire reculer le terrorisme qui frappe le Sahel, en maintenant les populations locales dans le dénuement ?

Face au terrorisme et à la montée du sentiment anti-français, la réponse doit être politique et sociale. Nous devons changer de paradigme.

Le Cicid qui s’est tenu cet été a donc profondément abîmé l’aide publique au développement. Nous proposerons des amendements pour respecter la loi de 2021 et remédier à ces décisions malheureuses.

Alors que la France est de moins en moins bien perçue dans le monde, nous devons démontrer notre souci de préservation des biens communs et d’aide aux populations les plus pauvres ; en tant que grande puissance et ancien colonisateur, notre responsabilité est immense. Soyons à sa hauteur !

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