La mission « Aide publique au développement » connaît, cette année, une stabilisation qui concerne le programme 110 comme le programme 109, après plusieurs années de croissance régulière. Si les efforts fournis au cours de la décennie écoulée ont amené l’APD française à 15, 3 milliards d’euros en 2022, cette progression reste lente et insuffisante et l’objectif de 0, 7 % a encore été repoussé.
En outre, replacée dans le contexte économique morose, avec un taux de croissance inférieur à 1 % en 2023 et une inflation atteignant 5, 8 %, cette stabilisation apparente dissimule en réalité une diminution des crédits.
C’est d’autant plus affligeant, madame la ministre, que ce grave sujet a fait l’objet d’un consensus relatif depuis le début de 2017, quand l’Élysée avait formulé l’engagement d’augmenter annuellement l’aide publique au développement.
La trajectoire vers les 0, 7 % du RNB dédiés à l’APD semble bien abandonnée !
Par ailleurs, comment ne pas être choqué par la décision du Cicid de réorienter les priorités d’action vers les questions climatiques ? Prise en toute discrétion et en plein été, celle-ci va à l’encontre des dispositions de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Comprenons-nous bien, mes chers collègues : il n’est nullement question de remettre en cause l’importance de l’enjeu climatique pour l’avenir du développement de l’humanité ; mais la loi du 4 août 2021, que nous avons adoptée, portait comme premier objectif « l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition et l’action en matière d’éducation et de santé ».
Quand l’ONU indique que, depuis 2021, 11 millions de personnes supplémentaires souffrent de la faim en Afrique, il me semble normal de nous interroger sur ce changement arbitraire de priorité.
En outre, la crise alimentaire la plus alarmante au monde frappe le Sahel central et 24 millions de personnes, dans une région constituée du Mali, du Niger et du Burkina Faso ; je ne peux dès lors m’empêcher de faire un lien entre l’échec diplomatique français catastrophique dans la zone et ce changement de priorité de l’APD française. Cela couvre de honte notre pays et offre, malheureusement, aux djihadistes un peu plus d’espace sur le terrain.
À la décision du Cicid et à l’assujettissement de l’APD aux variations de la politique étrangère s’ajoute désormais la place accordée à nos intérêts économiques. Nos instruments bilatéraux deviennent plus transactionnels, en priorisant notamment le financement de grands projets urbains d’infrastructures dans des pays à revenu intermédiaire.
Ce n’est pas tout : dorénavant, l’attribution de l’APD sera également conditionnée au respect de la coopération migratoire des États bénéficiaires. Irresponsable, cynique, indigne sont autant de mots qui peuvent décrire cette politique, qui aura un impact négatif direct sur des millions d’individus.
À l’inverse, nous estimons qu’il est urgent de changer d’orientation et de diriger l’aide vers le développement propre des pays destinataires. Cela suppose de tourner le dos à toute tentation de prédation de leurs richesses, qui persiste encore largement et qui risque de s’aggraver en raison de l’introduction d’une logique transactionnelle assumée.
De même, nous proposons qu’au moins 10 % de l’APD soit consacrée au renforcement des systèmes fiscaux des pays bénéficiaires, comme le préconise la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).
Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de voter contre ces crédits.