Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la communauté internationale prend conscience de la nécessité d’aider au développement des pays en difficulté. Cela commence par l’Europe, avec le plan Marshall pendant la période de la reconstruction.
Nul doute que la vision bipolaire du monde qui prévalait alors a eu une incidence sur la décision de venir en aide aux pays ravagés ou faiblement développés. La pauvreté, la misère, la faim, le manque d’accès à l’éducation condamnent les peuples à l’exil, ce que personne ne souhaite.
Depuis les années 1960, la France entretient une longue tradition d’aide publique au développement. Celle-ci n’est évidemment pas sans lien avec la décolonisation, période durant laquelle l’on s’est interrogé sur la relation à entretenir avec les pays autrefois dans l’empire français. Nous ne sommes pas les seuls à avoir mené cette réflexion.
D’autres puissances jadis coloniales ont fait le choix de l’aide au développement, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Japon ou l’Italie. Ces pays comptent aujourd’hui parmi les plus larges contributeurs mondiaux à l’aide publique au développement.
Avec 15, 9 milliards d’euros engagés en 2022, la France figure au quatrième rang. Cela représente 0, 56 % de notre revenu national brut, alors que la moyenne mondiale est de 0, 33 %. Dans ce PLF 2024, la contribution de la France, stable, s’établit à 15, 8 milliards d’euros.
Les activités de l’Agence française de développement comptent pour une large part dans le montant total de la contribution de la France. Cette contribution s’élève en 2023 à 12, 6 milliards d’euros pour ce qui relève de l’aide publique au développement au sens où l’entend l’OCDE.
Ce montant substantiel tend à conférer à cette agence une nature ministérielle qui ne dit pas son nom. Les techniciens du sujet m’opposeront qu’elle agit sous l’égide de différentes instances et que tout cela est contrôlé – toutefois, la réalité du terrain autorise parfois à en douter.
Plusieurs années avant moi, à cette tribune, de nombreux collègues ont regretté certaines caractéristiques que l’on attache aujourd’hui à l’AFD : indépendance incontrôlée, critères d’attribution flous, gouvernance parfois peu lisible.
Je citerai un exemple assez concret de critères d’attribution qui doivent collectivement nous conduire à nous interroger, mes chers collègues.
Au cours de mes déplacements et échanges dans différents pays, il m’est arrivé d’observer que certains projets financés par l’AFD faisaient intervenir des entreprises étrangères, parfois même lorsque des entreprises françaises étaient en concurrence et postulaient aux projets concernés.
Les montants en jeu s’élevaient à plusieurs milliards d’euros – l’argent des Français –, dont une partie finançait indirectement des industries étrangères. En tant que parlementaire française, cela m’a interpellée.
Si l’aide au développement est indispensable, il me paraît anormal qu’aucun critère de souveraineté ne soit appliqué lorsque cela est possible. Cela n’amoindrirait en rien le fondement moral des activités de l’AFD et nos entreprises nous en seraient reconnaissantes.
Une autre source d’interrogation concerne nos outre-mer. En 2023, l’AFD a investi près de 814 millions d’euros dans les territoires ultramarins. À titre de comparaison, le montant total de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) s’élevait en 2023, pour l’ensemble du pays, à près de 570 millions d’euros. Chacun appréciera ces ordres de grandeur.
Pour conclure, l’aide publique au développement est une noble cause que la France ne doit pas cesser de soutenir. Tout, dans notre histoire, notre culture et nos racines, nous y incite. Ne nous privons toutefois pas d’une réflexion de fond et montrons-nous exigeants quant à l’efficacité des moyens déployés.