Intervention de Pierre BARROS

Réunion du 18 décembre 2023 à 16h00
Services express régionaux métropolitains — Vote sur l'ensemble

Photo de Pierre BARROSPierre BARROS :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, 30 % des émissions de gaz à effet de serre sont attribuées au secteur des transports. Sortir des énergies fossiles d’ici à 2050, voilà le chantier prioritaire.

Il y a donc urgence à trouver des alternatives écologiques et économiques à la voiture et au camion. Pour cela, le transport ferroviaire est devenu la pierre angulaire de la stratégie du Gouvernement en matière de réduction des émissions.

Comme mes collègues du groupe CRCE-Kanaky, je me réjouis du consensus trouvé sur ce texte, qui, certes, est le fruit d’un travail important de la part de notre rapporteur comme de la commission, mais dont l’ambition avait auparavant été défendue au Sénat par notre groupe, qui avait déposé une proposition de résolution à ce sujet adoptée en décembre 2022.

Aujourd’hui, des moyens importants sont enfin annoncés pour faire du ferroviaire une grande cause nationale.

Comme je l’avais expliqué ici même en première lecture, cette proposition de loi va dans le bon sens. Les services express régionaux métropolitains permettront de matérialiser un véritable maillage de transport dans nos grandes agglomérations. Inscrire l’intermodalité au cœur de ce projet doit également permettre à ces services de se substituer à la voiture.

Reste la question des moyens.

À ce jour, seuls 750 millions – peut-être 765 millions – d’euros ont été fléchés pour les cinq prochaines années, pour financer des études. Quant à l’investissement, les quelques milliards inscrits au projet de loi de finances pour 2024 seront malheureusement bien insuffisants pour répondre aux enjeux de ce texte. En effet, d’après le rapport du COI, pas moins de 15 milliards à 20 milliards d’euros sont nécessaires dès maintenant pour développer les lignes, investir dans l’acquisition de matériel roulant et anticiper les futures dépenses d’exploitation.

Nous serons particulièrement attentifs aux débats qui se tiendront et aux décisions qui seront prises lors de la conférence nationale de financement, inscrite dans la proposition de loi et qui devrait avoir lieu avant le 30 juin prochain. Les résultats de cette conférence nous indiqueront si nous avons des raisons d’espérer ou si ces projets resteront dans les tiroirs.

Je le répète, ces projets ne pourront pas reposer sur les seules finances des collectivités, tant en investissement qu’en fonctionnement ; chacun connaît la situation financière de nos collectivités, notamment des régions. L’État doit prendre ses responsabilités pour que le développement du réseau ferroviaire ne se réduise pas à une simple opération de communication. Quelque 100 milliards d’euros seront investis d’ici à 2040 pour lancer une « nouvelle donne ferroviaire », mais combien seront réellement destinés au financement de services express régionaux métropolitains ?

Par ailleurs, nos débats autour de ces futurs services ne doivent pas occulter la situation préoccupante des lignes du quotidien et du fret ferroviaire.

Le droit à la mobilité doit être garanti partout, que l’on habite une métropole ou un territoire rural. Or ce n’est malheureusement pas toujours le cas. De nombreux territoires ruraux sont aujourd’hui littéralement rayés de la carte. Leurs habitants – et leurs élus – ressentent un sentiment de déclassement douloureux. Sur certaines lignes, comme la ligne de l’Aubrac, des dessertes sont menacées de disparition et sur d’autres, comme sur la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt), les fréquences sont considérablement réduites.

Le fret ferroviaire n’est pas en reste : la part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019, au profit du transport routier, pourtant bien plus polluant. Certaines lignes essentielles pour les entreprises sont même remises en cause, faute de financement. Je pense ainsi à la ligne de Flamboin-Gouaix à Montereau, en Seine-et-Marne : l’État demande à l’entreprise Cemex de trouver 40 millions d’euros pour pérenniser la desserte. Pourquoi sacrifier cette ligne et les emplois qui vont avec ?

Le groupe CRCE-K a porté ce débat sur les moyens durant l’examen du projet de loi de finances pour 2024. Il a proposé d’allouer, dès cette année, 3, 9 milliards d’euros au ferroviaire : c’est la seule façon de faire vivre cette nouvelle donne que vous appelez de vos vœux. Mais nous n’avons pas été entendus…

En dépit de cela, les sénateurs de mon groupe voteront en faveur de ce texte. Mais nous serons extrêmement vigilants quant aux décisions qui seront prises, car, au travers de cette proposition de loi, c’est l’avenir du rail qui est en jeu. En effet, en moins d’un siècle, le réseau ferroviaire français a été divisé par deux : 20 000 kilomètres de lignes ont été abandonnés depuis 1945. L’effort à accomplir est donc colossal pour retrouver les infrastructures permettant d’offrir une réelle solution de substitution à l’automobile et aux camions.

Monsieur le ministre, vous avez aujourd’hui la possibilité de soutenir réellement cette alternative que nous appelons de nos vœux. Nous avons envie de vous croire ; ne décevez pas les millions de Françaises et de Français qui ont besoin dès aujourd’hui de se déplacer dans de meilleures conditions, tout en préservant notre environnement.

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