Après d'âpres négociations, le gouvernement de Lionel Jospin avait obtenu que l'ouverture du marché de l'électricité et du gaz soit limitée aux professionnels et aux entreprises. Je viens d'ailleurs de lire le compte rendu de ces négociations. Il avait obtenu également en contrepartie de cette ouverture aux professionnels pour l'année 2004 le principe de la recherche de l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général. La construction européenne devait ainsi reposer sur d'autres fondements que ceux du marché et des lois de la concurrence.
Pour ma part, je considère que l'électricité n'est pas un produit comme les autres. À ce titre, elle devrait bénéficier d'une réglementation comparable à celle qui est applicable à l'eau et relever du service public.
Alors que les doutes sur l'efficacité des mécanismes concurrentiels en termes de baisse des prix se renforçaient, les prix subissant de fortes pressions à la hausse, la poursuite du processus de l'ouverture du marché aux particuliers était ainsi bloquée.
Les ménages, exclus du processus de libéralisation, pouvaient continuer à bénéficier, en tant que clients non éligibles, des tarifs réglementés, qui se situent bien en dessous des prix du marché.
Le 16 mars 2002, le Premier ministre précisait que l'expérience de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie en Suède ou en Grande-Bretagne avait conduit non pas à la baisse des prix mais, au contraire, à une hausse des tarifs. Il avait rappelé qu'en France le service public avait garanti l'égalité d'accès et la péréquation sur le territoire en assurant un tarif du gaz et de l'électricité inférieur à celui des autres pays.
Le Président de la République de l'époque, M. Jacques Chirac, s'était lui-même clairement opposé à l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence pour les ménages. Lors de la conférence de presse donnée à l'issue de ce Conseil européen, il avait déclaré : « Alors, nous avons, naturellement, accepté d'ouvrir le marché de l'électricité aux entreprises, parce qu'il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n'était pas de notre point de vue admissible, acceptable d'aller plus loin et, donc, c'est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions ».
Mais, quelques mois à peine après l'issue de ces pénibles négociations qui avaient abouti à l'exclusion des ménages du processus d'ouverture à la concurrence, le nouveau gouvernement Raffarin a balayé d'un revers de main ce qui venait d'être obtenu.