Le rapport de M. Poniatowski dénonce très clairement le piège qui s'est refermé sur les entreprises, avec une attractivité initiale des tarifs libres de l'électricité, suivie d'une montée soudaine des prix. Il décrit avec une grande justesse la marche forcée vers la libéralisation et la volonté originelle d'une « extinction progressive du nombre de clients bénéficiant d'un tarif réglementé afin de favoriser la concurrence et l'apparition d'opérateurs alternatifs ».
Hélas ! le contenu de la proposition de loi qu'il nous soumet n'est pas à la mesure de la situation dénoncée. En effet, si une personne a renoncé aux tarifs réglementés, il ne lui est pas permis, selon la lettre du texte, d'y revenir, à moins qu'elle ne change de site de consommation. Ainsi, si un consommateur qui bénéficie des tarifs libres désire revenir aux tarifs réglementés au motif - et on en imagine mal d'autres - qu'ils sont plus avantageux, il ne pourra pas le faire.
En outre, cette solution nous semble peu respectueuse du principe d'une concurrence libre et non faussée. Elle est en tout cas très problématique du point de vue de la protection du pouvoir d'achat du consommateur.
Étant donné l'intérêt que semble porter le Gouvernement à cette question vitale pour nos concitoyens, nous sommes persuadés, chers collègues de la majorité, que vous conviendrez de la nécessité de mettre en place une réversibilité totale et que vous voterez donc nos amendements.
Rappelons que la facture énergétique acquittée par les Français, qui constitue une dépense difficilement compressible, a des répercussions importantes sur leur pouvoir d'achat. La part du budget des ménages consacrée aux frais de logement et d'énergie est aujourd'hui de 16, 5 %, et atteint même 23 % pour les ménages les plus modestes, parfois logés dans des conditions particulièrement difficiles. Or la libéralisation totale du secteur de l'énergie expose les ménages, notamment les plus modestes d'entre eux, au risque d'une augmentation importante de leur facture d'électricité et de gaz.
En ce qui concerne la date butoir de 2010, nous considérons qu'il n'est pas concevable, si les tarifs réglementés continuent d'exister, d'encadrer la faculté d'y revenir dans le temps. De plus, aucun argument en faveur de cette date énigmatique ne nous semble démontrer le contraire. En effet, il est illusoire, selon nous, de croire que l'inscription d'une date butoir influencera les discussions avec la Commission européenne.
Par deux de nos amendements, nous souhaitons donc instituer une réversibilité totale, pour l'électricité et le gaz, sans limite dans le temps et quelles que soient les décisions prises antérieurement par les consommateurs.
Cela étant, au fond, la véritable question est celle de la réalité de la volonté de maintenir les tarifs réglementés. Or cette volonté est politique, car les obstacles juridiques pourraient être levés. Ainsi, en ce qui concerne le droit communautaire, le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver expose très clairement que le maintien des tarifs réglementés n'est pas incompatible avec le droit communautaire dans la mesure où le niveau des tarifs permet de couvrir les coûts supportés par les opérateurs.
C'est pourquoi ces discussions que nous avons aujourd'hui sur la réversibilité de l'exercice de leur éligibilité par les consommateurs domestiques n'ont de sens que si l'État, réellement soucieux du pouvoir d'achat de nos concitoyens, est conscient de la particularité du « bien énergie » et mène une politique nationale et européenne en faveur de la seule protection du service public de l'énergie.
Dans cet espoir, nous demandons au Sénat d'adopter nos deux amendements n° 15 et 16.