Monsieur le rapporteur, il existe, me semble-t-il, un hiatus entre nos deux visions de ce problème.
J'ai pris parfois sur l'Europe des positions différentes de celles de Jean-Luc Mélenchon, mais je trouve que, pour le coup, on fait jouer à l'Union européenne un bien mauvais rôle dans ce dossier.
Vous avez affirmé, monsieur le rapporteur, que l'Union européenne ne contestait pas la réversibilité du choix de l'utilisateur, mais le niveau du tarif réglementé en France, qui ne garantirait pas une libre concurrence entre les différents prestataires en matière électrique.
Pour ma part, je suis effaré de constater que nous allons plus loin que les demandes de l'Union européenne. Je fais référence à la date butoir du 1er juillet 2010 : à ma connaissance, l'Union européenne n'a jamais imposé cette échéance, pas plus qu'une autre d'ailleurs !
Je développerai quelques comparaisons pour montrer que, parfois, on fait endosser le mauvais rôle à l'Europe, et ce de façon infondée.
Nous, parlementaires, nous avons tenté pendant cinq ou six ans d'obtenir une TVA à 5, 5 % sur les réseaux de chaleur, qui constituaient une spécificité de la France, même s'il y en a quelques-uns en Belgique. L'Union européenne a refusé, au motif que la France constituait un cas unique, que ces réseaux étaient peu intéressants et que les services du commissaire à la concurrence, qui n'était pas encore Mme Neelie Kroes, s'opposaient à ce taux réduit.
Puis l'Union européenne s'est élargie aux pays de l'Est, notamment la Pologne, la Lituanie et l'Estonie, qui possèdent elles aussi des réseaux de chaleur, et avec leur appui nous avons pu faire admettre qu'une TVA à taux réduit ne remettait pas en cause la concurrence pour ce type de services.
Autre exemple, tout à fait d'actualité : l'Union européenne conteste aujourd'hui le système un peu particulier qui nous permet de collecter l'épargne de nos concitoyens, à savoir le livret A.
Le livret A existe dans notre pays depuis 1870 ! Il fonctionne très bien, rémunère correctement l'épargne de nos concitoyens, même si nous souhaiterions qu'il la rétribue mieux encore, et il nous permet de disposer d'une épargne que ne grèvent pas des taux d'intérêts trop élevés, afin de construire du logement social
Or la Commission affirme aujourd'hui qu'il s'agit d'une spécificité française, qu'il faut donc gommer. La France a refusé de s'incliner et a saisi la Cour de justice des communautés européennes. C'était la décision du précédent Président de la République, confirmée sans doute par son successeur et par le nouveau gouvernement, et sur ce point nous sommes derrière eux.
Il en va de même, d'une certaine façon, pour les tarifs de l'électricité. Il s'agit également d'une spécificité française, liée à l'existence d'un parc nucléaire ancien qui rend relativement peu onéreux le tarif de l'électricité. Monsieur le rapporteur, nous pouvons ou non être d'accord avec l'expression de « rente nucléaire ». Toutefois, pour ma part, et je tenais à clarifier ce point, je ne veux pas qu'à l'issue de ces débats on affirme que nous avons été obligés de légiférer parce que Bruxelles nous l'imposait !
J'estime au contraire que nous pouvons discuter avec Bruxelles, sans nous autocensurer au grand dam de nos concitoyens, qui ne sauront pas si, après 2010, ils pourront ou non revenir à un tarif attrayant, alors que celui-ci a une incidence directe sur leur pouvoir d'achat. Il s'agit là d'une appréciation différente de l'action de notre État par rapport à l'Union européenne.
On dit trop souvent que l'Union européenne est la cause de certains maux sur le territoire national ; or ce type de position conforte ceux qui sont contre l'Europe, ce qui n'est pas mon cas.