Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 16 janvier 2024 à 14h30
Accord commercial entre l'union européenne et le mercosur — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Sophie Primas, Anne-Catherine Loisier, Laurent Duplomb, plusieurs de nos collègues et moi-même avons souhaité, au mois de juin dernier, déposer une proposition de résolution afin de rappeler un certain nombre de lignes rouges dans les négociations menées actuellement en vue de conclure un accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur, bloc régional comprenant l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

Je rappelle qu’après presque vingt ans de négociations l’Union européenne et le Mercosur sont parvenus, le 28 juin 2019, à un accord politique en vue d’un tel accord. Les échanges commerciaux bilatéraux s’élevaient alors à 88 milliards d’euros par an pour les biens et à 34 milliards d’euros pour les services.

L’accord, présenté comme un grand succès de la Commission Juncker, devait permettre aux entreprises européennes de bénéficier d’un accès privilégié à un marché de plus de 260 millions de consommateurs et, à terme, d’économiser chaque année plus de 4 milliards d’euros de droits de douane. Ici, toutefois, nous nous méfions des gains affichés de manière globale, qui masquent des impacts parfois fortement négatifs pour certains secteurs. Je pense évidemment au monde agricole, sur lequel je reviendrai.

L’affaire semblait en tout cas entendue – du moins la Commission européenne, chargée de la négociation, le croyait-elle, avant que l’accord ne déraille au Conseil.

L’approche du commerce international avait manifestement changé plus vite que le logiciel des négociateurs de la Commission européenne. La déforestation massive alors engagée au Brésil entrait en conflit avec les objectifs de l’accord de Paris, que l’Union européenne entendait promouvoir avec force.

Surtout, encore une fois, l’agriculture, tout particulièrement la filière de la viande, avait servi de variable d’ajustement. Un contingent de 99 000 tonnes équivalent-carcasse (TEC) de viande bovine avait ainsi été concédé au Mercosur, avec un droit de douane réduit de 7, 5 % ; le bloc sud-américain obtenait en outre la suppression du droit de douane sur le contingent Hilton, pour un volume de 61 000 TEC. Or les conditions de production en vigueur dans les pays du Mercosur ne sont pas les mêmes que celles que nous imposons à nos agriculteurs. Des concessions significatives avaient également été accordées sur le sucre, la volaille, le maïs ou encore l’éthanol.

Face au blocage constaté au Conseil, la Commission européenne a tenté de trouver une voie de sortie en négociant des engagements complémentaires. Les négociations en vue de conclure l’accord se sont intensifiées au cours du second semestre de 2023.

La Commission européenne se montrait particulièrement volontariste, tout comme la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne et notre partenaire allemand. J’ai pu le mesurer très concrètement lors des réunions de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac).

Le sommet du Mercosur qui s’est tenu au mois de décembre dernier, au cours duquel le Brésil a transmis la présidence de l’organisation au Paraguay, était perçu par ces soutiens comme le moment opportun pour conclure l’accord.

Il n’en a rien été. Le Président de la République a clairement indiqué à Dubaï, à l’occasion de la dernière COP, que l’accord ne convenait pas en l’état et qu’il ne pouvait pas « demander à nos agriculteurs et à nos industriels […] d’œuvrer à la décarbonation de leurs activités et, dans le même temps, supprimer les droits de douane sur des biens qui ne respecteraient pas ces règles ».

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